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«Déraisonnable» et «irresponsable»: le préavis de grève des pilotes d’Air Transat fait sourciller

En émettant un préavis de grève, le syndicat qui représente les pilotes d’Air Transat pourrait plonger la compagnie aérienne québécoise dans son premier conflit de travail en 38 ans d’existence.

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Ce geste posé par l’organisation américaine ALPA, qui est responsable du syndicat des pilotes d’Air Transat, est difficile à comprendre pour la direction du voyageur et certains observateurs.

«Ils ont offert quand même 59% d’augmentation de salaire, plus les autres avantages sur cinq ans. Sachant aussi qu’ils ont eu deux ajustements de salaire dans les dernières années, je suis un petit peu perplexe. Les pilotes sont légitimes dans leur demande d’amélioration de leurs conditions et de leurs salaires, mais le fait de refuser presque 60%, ça, c’est quelque chose qui me paraît très étrange», soutient le directeur de l’Observatoire international et de l’aviation civile de l’UQAM, Mehran Ebrahimi.

«Je trouve ça très mauvais comme stratégie de négociation pour le syndicat», ajoute-t-il.

Ce dernier estime que le syndicat ALPA a une attitude très «jusqu’auboutiste», qui découle du fait que l’organisation est habituée de négocier avec de grandes entreprises américaines.

«Là, ils sont là jusqu’au bout, alors qu’Air Transat, c’est une des entreprises qui est quand même assez fragile au niveau de ses finances. Elle vient de faire un genre de réduction de dette, la situation commence un petit peu à aller bien, et là, ils arrivent avec cette demande-là. Je ne vois pas d’autres domaines où on refuse une augmentation de 60% de salaire sur cinq ans», souligne le spécialiste de l’aviation civile.

«C’est rare que j’utilise ces termes-là, mais je trouve ça irresponsable vis-à-vis des passagers, vis-à-vis de l’entreprise et vis-à-vis de tout notre écosystème de transport aérien», ajoute M. Ebrahimi.


Photo LCN

Une offre jugée «généreuse»

Chez Air Transat, on s’explique aussi très mal ce préavis de grève.

«On est persuadés que les discussions allaient bien à la table des négociations. On trouve que l’avis de grève est prématuré dans les circonstances parce qu’on a fait de bons avancements à la table des négociations. Toutes les clauses normatives sont réglées au contrat», a déclaré le vice-président aux opérations aériennes chez Air Transat, Dave Bourdages.

Cette situation, soutient-il, pousse Air Transat à prendre des décisions qui auront un impact sur ses clients.

«On ne trouve pas la raison pour laquelle on vient chambouler les plans de nos clients à ce point-ci de l’année et changer leurs plans de voyage», déplore M. Bourdages.

L’employeur affirme que son offre de 59% d’augmentation sur cinq ans est tout à fait adéquate.

Avec la proposition sur la table, un pilote senior pourrait toucher plus de 350 000$ par années d’ici cinq ans.

«On est surpris et déçus par la réaction. En fait, depuis le jour 1, la position du syndicat des pilotes d’Air Transat a été de demeurer sur leurs demandes. Aujourd’hui, l’offre qu’on a faite, nous croyons qu’elle est généreuse, elle est très généreuse en fait pour nos pilotes. Ça reconnaît les efforts qui ont été déployés par nos pilotes au cours des dernières années. […] On s’était engagés à faire un rattrapage au niveau du marché canadien, on le fait à ce moment-là», argumente le vice-président aux opérations aériennes.

Celui-ci rappelle toutefois qu’Air Transat demeure un transporteur de loisirs qui souhaite conserver des prix «abordables».

«Ce qui est important pour nous, c’est que le syndicat des pilotes d’Air Transat revienne, fasse un pas vers nous, parce que pour l’instant, ils ne bougent pas sur leurs positions», mentionne Dave Bourdages.

«Les dernières offres qu’on a faites, non seulement ils n’ont pas bougé, mais ils se sont éloignés de nous. Ils ont fait des demandes supplémentaires à ce qui avait déjà été proposé. Donc pour nous, c’est déraisonnable. Ce qu’on veut, c’est pouvoir faire une négociation de bonne foi et pour pouvoir bouger dans le bon sens et régler la négociation», ajoute-t-il.

Malgré tout, Air Transat continue de croire qu’une entente est possible pour éviter la grève.

Des discussions sont toujours prévues entre les deux parties au cours des prochains jours.


Photo LCN

Impacts à long terme

Air Canada, qui a aussi été frappée par un conflit de travail au cours des derniers mois, n’avait pas offert d’augmentation de salaire à ses pilotes pendant 10 ans. Cet automne, les pilotes de la compagnie aérienne canadienne ont obtenu une hausse de 42% de leur rémunération.

Pendant ce temps, chez Air Transat, les pilotes ont eu 19% d’augmentation au cours des cinq dernières années.

Si les pilotes d’Air Transat devaient déclencher une grève, des milliers de passagers verraient leurs vacances être gâchées, déplore Mehran Ebrahimi. De plus, la viabilité du transporteur pourrait être compromise, croit le spécialiste de l’aviation civile.

«Si la grève dure plusieurs jours et si le gouvernement canadien n’intervient pas, comme on l’a fait dans le cas d’Air Canada, cette perte de millions [de dollars] par jour, à un moment donné, ça va avoir des effets peut-être irrécupérables», estime-t-il.

«Il est évident que le coût d’un d’une grève pour Air Transat, quand on tient compte de la situation fragile de la compagnie, c’est énorme, je dirais, c’est catastrophique», ajoute M. Ebrahimi.

L’affaiblissement, voire la disparition d’Air Transat, aurait inévitablement un impact sur le coût des billets d’avion, indique l’expert.

«Air Transat joue un rôle important au niveau de la concurrence. On n’a pas beaucoup de concurrence. Un de nos acteurs majeurs qui stimule la concurrence au Canada, c’est Air Transat. C’est une compagnie québécoise en plus. Si cette entreprise-là disparaît, la structure de concurrence va se fragiliser encore davantage au Canada», explique-t-il.

Ce dernier craint que la stratégie d’ALPA efface la culture d’entreprise d’Air Transat, qui reposait sur la conciliation et le compromis.

«C’est une américanisation du conflit de travail à mon sens qui n’est dans l’intérêt de personne, ni la compagnie, ni les passagers, ni, je pense, à moyen terme, les pilotes», résume-t-il.

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