Qu’attendre de Patrimoine Canada pour la culture au Québec?

Récemment, la nomination de Marc Miller à la tête de Patrimoine Canada a soulevé un débat qui doit être approfondi quant au véritable rôle de ce ministère canadien à l’égard du Québec, de son identité et de sa culture propre, à l’ère de la diffusion numérique de l’information et de la culture.
Au cours du XXe siècle, l’État canadien a accaparé le contrôle des moyens de communication, tout comme il l’avait fait au XIXe pour le domaine des transports et des chemins de fer autour desquels s’est bâti le Canada. En s’appropriant les compétences majeures en matière de culture et de communication, le gouvernement canadien a établi seul 39 lois et de nombreuses politiques culturelles s’appliquant au Québec. Il met toujours ses politiques en œuvre en effectuant d’énormes dépenses à des organismes majeurs tels que Radio-Canada, l’Office national du film du Canada (ONF), Téléfilm Canada, le réseau des musées canadiens, les Archives nationales du Canada et la Bibliothèque nationale du Canada. Par le biais du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), il contrôle l’ensemble de la télévision, de la radio et des médias numériques au Québec. Il réglemente les services d’accès à l’Internet à large bande, ce moyen désormais indispensable pour la diffusion des produits culturels, des médias numériques et des nouveaux outils d’intelligence artificielle.
Des moyens considérables
Le ministère dont hérite Marc Miller dispose de moyens considérables. Les dépenses de fonctionnement et de transfert du ministère du Patrimoine canadien totalisaient en 2023-2024 un peu plus de 2 milliards de dollars en subventions et transferts aux personnes et aux organismes. En y ajoutant les budgets alloués aux organismes qui sont sous la supervision de ce ministère, notamment Radio-Canada, le CRTC, l’ONF et Téléfilm Canada, les budgets de Patrimoine Canada totalisaient près de six milliards annuellement, soit 5 980 238 666 $. De ce total, le budget de l’an I du Parti québécois mentionne que plus du quart avait été dépensé au Québec.
Lorsqu’on connaît les difficultés financières que subissent les créateurs et les organismes culturels au Québec, personne ne peut les blâmer d’avoir recours aux programmes de Patrimoine Canada, tant que le Québec demeure une province canadienne.
Patrimoine Canada, le ministère de l’unité canadienne
Mais on ne peut se réjouir, comme certains l’ont fait, de la nomination à la tête de Patrimoine Canada d’un proche de l’ancien premier Trudeau, nourri aux principes du multiculturalisme, de la non-reconnaissance de la nation québécoise et de la centralisation à Ottawa des domaines de la culture et des communications.
On peut s’attendre à ce que, plus que jamais, Patrimoine Canada soit l’outil stratégique utilisé par Ottawa dans la guerre qu’il livre au nationalisme québécois en faisant la promotion d’une culture canadienne qui contribue à invisibiliser l’identité de la nation québécoise. Le concept de « culture canadienne », qui fonde le mandat de ce ministère, est une fiction dans un pays qui se voit comme un assemblage de communautés socioculturelles, une fiction qui nie l’essence même de la nation québécoise, sa culture.
Le gouvernement fédéral, par l’entremise de Patrimoine Canada, fait la promotion de l’unité canadienne en finançant massivement les célébrations de la fête du Canada et des fêtes régionales ou communautaires, où on distribue à profusion unifoliés et symboles canadiens. Le sport olympique financé par Patrimoine Canada est un autre moyen de susciter la fierté canadienne où des athlètes québécois sont bien intégrés aux équipes canadiennes. Patrimoine Canada supervise la loi sur les langues officielles, qui entretient le mythe d’un pays et d’une fonction publique canadienne bilingue, pendant que la Société Radio-Canada se voit confier le rôle de défendre l’unité canadienne dans le choix de ses émissions et en diffusant au Québec une couverture de l’information « from coast to coast ».
Démission face à l’emprise des géants du numérique
Sur un autre plan, peut-on espérer du nouveau ministre, « tanné d’entendre parler du déclin du français », qu’il reprenne le combat quant au contrôle des géants du numérique, abandonné par le gouvernement Carney, lequel vient d’abolir récemment sa taxe sur le numérique après avoir laissé mourir au feuilleton la loi 27 sur la réglementation des produits de l’Intelligence artificielle.
Contrairement au Canada anglais, le Québec a un urgent besoin de mobiliser des moyens législatifs et budgétaires et actions internationales pour assurer la découvrabilité et l’accès à des contenus culturels en langue française. Cet objectif vital pour l’essor de la langue et de la culture québécoise sera-t-il une préoccupation pour le nouveau titulaire de Patrimoine Canada ? Poser la question, c’est y répondre !




