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De faux presbytères exemptés de taxes à Gatineau

La mairesse de Gatineau, Maude Marquis-Bissonnette, a révélé, mercredi, qu’une révision complète des cas d’exemptions de taxes pour ce type d’immeuble sur le territoire de la Ville était en cours afin de s’assurer que ceux qui en bénéficient en vertu de la loi provinciale y ont bel et bien droit.

L’exercice a été lancé dans la foulée d’un article de La Presse, publié en début de semaine, qui documentait les pertes de revenus que représentent ces exemptions pour les municipalités québécoises. Pour Gatineau, cela représenterait environ 3,8 millions de dollars annuellement.

«Certains cas pourraient être regardés plus précisément et s’il y a des trucs à corriger, ce sera corrigé», a indiqué la mairesse lorsqu’interpellée à ce sujet en marge de la réunion du comité exécutif, mercredi.

D’après les informations obtenues par Le Droit, jeudi, au moins deux immeubles font déjà l’objet d’une intervention de la Ville afin d’en retirer l’exemption de taxes et tenter de percevoir les sommes qui lui ont échappé pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.

Pasteur décédé

C’est le cas du 80, promenade Oval, dans le secteur Aylmer. La résidence évaluée à 454 100 $ bénéficiait d’une exemption de taxes sur 75 % de sa valeur foncière, selon l’inscription au registre foncier, parce qu’elle était considérée comme un presbytère. Elle était habitée par un pasteur pentecôtiste de l’église Liberty Ministries jusqu’au décès de ce dernier en mai 2020.

À la mort de ce dernier, l’immeuble aurait dû perdre sa désignation de presbytère, mais la Ville de Gatineau a tout de même maintenu l’exemption de taxes.

«Dans le cas d’un décès, à moins qu’il n’y ait un transfert de propriété à la succession, la Ville n’a pas le moyen d’être informée, sauf si les héritiers, de bonne foi, l’en informent diligemment, et dans ce cas, cela n’a pas été fait», a confirmé par écrit la Ville de Gatineau.

Le nom du pasteur décédé apparait d’ailleurs toujours comme l’un des deux propriétaires de l’immeuble sur la fiche d’évaluation de la résidence inscrite au registre foncier. L’autre propriétaire inscrite est sa conjointe.

Des mesures seront donc prises pour retirer l’exemption dont bénéficie cet immeuble, rétroactivement au 1er janvier 2024, soit la période maximale prévue par la Loi sur la fiscalité municipale. La loi permet aux villes d’agir en rétroaction seulement pour l’année en cours, ainsi que la précédente. Le 80, promenade Oval aura finalement bénéficié d’une exemption de taxes à laquelle il n’avait plus droit de plusieurs milliers de dollars par année entre mai 2020 et janvier 2024.

La Ville précise en outre évaluer les autres recours possibles afin de récupérer les sommes impayées avant le 1er janvier 2024 dans ce dossier.

Vendu, mais toujours exemptés

L’ancien presbytère du 301, rue Alfred-Léon, aussi à Aylmer, est un autre cas problématique récemment découvert par la Ville de Gatineau. L’immeuble évalué à 643 500 $ était auparavant lié à La Chapelle de la Restauration de l’Église chrétienne des rachetés de Dieu, situé au 164, rue Principale. Il a cependant été vendu en avril 2023.

En théorie, le 301, rue Alfred-Léon aurait dû perdre son statut de presbytère à ce moment, mais les nouveaux propriétaires ont continué de bénéficier de l’exemption de taxes parce que le changement de désignation n’a pas été fait par le service de l’évaluation de la Ville.

La Ville de Gatineau précise que l’exemption de taxes a finalement été retirée en novembre dernier et que la mesure sera rétroactive au 1er janvier 2024. «Le délai entre la cession de l’immeuble et la modification de son statut de taxation s’explique par le fait que la Ville n’a pas été informée des changements intervenus par les parties de la transaction», précise-t-on.

Ce constat visant deux propriétés pousse la Ville de Gatineau à lancer un «processus de vérification systématique et périodique» qui lui permettra dorénavant d’examiner la condition des propriétaires des édifices religieux exemptés de taxes. Ce processus, dit-on, «doit permettre la mise à jour en temps opportun des données, et d’ajuster, le cas échéant, le statut des édifices».

Des millions en compensation perdus

Le reportage de La Presse a aussi permis à la Ville de Gatineau de découvrir que la Loi sur la fiscalité municipale prévoit la possibilité pour les villes d’obtenir des compensations monétaires en contrepartie pour les services municipaux reçus par les propriétaires des édifices exemptés de taxes.

Mercredi, la mairesse Marquis-Bissonnette, a admis que personne au sein de la Ville n’était au fait de cette possibilité et que des vérifications étaient en cours pour déterminer comment s’en prévaloir.

D’après les informations obtenues par LeDroit, des immeubles liés à des institutions religieuses représentant une valeur foncière de 181 millions de dollars bénéficient d’une exemption de taxes à Gatineau. Du nombre, 12 immeubles totalisant une valeur estimée à un peu plus de 19 millions de dollars pourraient faire l’objet, en vertu de la loi, d’un règlement permettant à la Ville d’obtenir des compensations.

Il s’agit de cimetières, d’immeubles appartenant à des fabriques, ainsi qu’à certaines congrégations religieuses.

Pour l’année 2025, Gatineau aurait pu recevoir 443 500$ si elle s’était prévalue des mesures compensatoires permises par la loi dont elle ignorait encore l’existence la semaine dernière. En extrapolant aux années antérieures, ce sont donc des millions de dollars que Gatineau a laissés sur la table au fil des ans.

«Des analyses seront amorcées dès maintenant afin d’évaluer l’opportunité et la pertinence de procéder à la mise en place de mesures ou d’ententes de compensations», a confirmé la Ville de Gatineau, jeudi.

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