Les déboires de Mont Sainte-Anne : des pertes de plus d’un milliard de dollars pour la région, par Claudine Hébert

Qui a tort, qui a raison dans le dossier de la station du mont Sainte-Anne, l’ex-directeur de l’Étude économique et financière des stations de ski du Québec, Michel Archambault, ne connaît pas la réponse. Ce qu’il constate toutefois, ce sont les retombées économiques dont se prive la région depuis des dizaines années.
« Parce qu’aucun montant majeur n’a été investi depuis les trois dernières décennies sur l’un des plus beaux domaines skiables au Québec, la grande région de Québec a facilement perdu plus d’un milliard de dollars en retombées économiques et touristiques », estime l’ancien titulaire de la Chaire de tourisme Transat, à l’UQAM.
Selon cet expert qui a analysé de près l’économie de l’ensemble des stations de la province de 1988 à 2024 et de son impact pour les municipalités, le manque flagrant d’investissement à la station du mont Sainte-Anne a nui cruellement à l’économie touristique de la région.
« Ce n’est pas seulement 100 M$, 200 M$ voire 300 M$ qu’il faut investir afin de revaloriser la destination. Pour que la station aspire à redevenir un domaine de calibre international comme elle l’a déjà été, qu’elle redevienne un des principaux moteurs économiques de l’industrie du ski, ce sont plus de 500 M$ qu’il faut injecter dans la montagne et à sa base avec des partenaires », plaide-t-il. Il faut, ajoute-t-il, redonner une âme et créer une ambiance festive au sein de cette destination.
Des gestionnaires d’hébergement le confirment
Quelques appels effectués auprès de propriétaires d’hébergement, situés à proximité de la station, ont permis de confirmer la teneur des propos de Michel Archambault.
« L’absence d’investissement majeur à la station équivaut facilement à un manque à gagner d’au moins 15 % pour notre hôtel pendant l’hiver, et ce, année après année », soutient Sébastien Roy, copropriétaire et directeur général du complexe Delta Marriott Mont Sainte-Anne.
« Nous, nous avons fait notre part. Nous avons investi plus de 50 M$ au cours des cinq dernières années pour revitaliser notre complexe de 211 chambres. Or, on attend encore que viennent les bonnes nouvelles », soulève l’hôtelier.
Il cite en exemple le récent week-end de la Thanksgiving américaine. « Il y a 30 ans, la station aurait été prête à accueillir la clientèle américaine pour ce lucratif week-end. Surtout avec les généreuses bordées de neige accumulées depuis le début du mois de novembre. Or, malgré ces conditions exceptionnelles, non seulement la station n’était pas ouverte, elle ne l’est pas toujours pas », souligne Sébastien Roy.
Note de la rédaction : l’ouverture est prévue le 13 décembre.
L’été désormais meilleur que l’hiver
François Turcotte, propriétaire de Chalets-Village, considère, lui aussi, que les déboires de la station mont Sainte-Anne représentent des pertes d’au moins 15 % lors de la saison hivernale pour son entreprise. « Une chance que la saison estivale est en pleine croissance, car celle de l’hiver affiche une nette décroissance depuis 2018 », affirme le dirigeant dont les 70 chalets et 70 condos en gestion peuvent accueillir jusqu’à 1550 personnes par nuitée.
Depuis les cinq dernières années, le propriétaire de Chalets-Village bonifie son offre afin d’être prêt à accueillir la hausse de clientèle prévue en fonction des investissements majeurs attendus à la montagne. « Nous avons investi plus de 3 M$. Comme plusieurs entrepreneurs de la région, nous investissons en espérant que la station en fasse de même. Mais rien ne se produit. Que ce soit avec RCR ou un autre investisseur, il est temps que le gouvernement en vienne à une entente. Il est temps que la station de mont Sainte-Anne bénéficie enfin des investissements qu’elle mérite et qu’elle redevienne le joyau qu’elle était », soutient le locateur de chalets.
En attendant, François Turcotte, comme plusieurs amateurs de la station de la Côte-de-Beaupré, se désole de la réputation qu’affiche désormais la destination auprès des marchés extérieurs. « Lors d’un voyage de ski dans l’Ouest canadien le mois dernier, des gens m’ont demandé si la station était encore ouverte…»
Journaliste et collaboratrice




