Qu’adviendra-t-il des bijoux volés au Louvre en octobre 2025?

Dimanche, quatre cambrioleurs sont entrés en plein jour dans la galerie d’Apollon du musée du Louvre, à Paris, puis sont ressortis, huit minutes plus tard, avec huit bijoux jugés comme étant « d’une valeur patrimoniale inestimable ». Que réserve l’avenir à ces joyaux de la couronne de France ? Survol des scénarios plausibles et des théories prédominantes.
Bien qu’il soit difficile d’établir une cause générale applicable à tout vol dans un musée, il existe des « exemples typiques », soutient François Le Moine, avocat spécialiste en droit de l’art. Les cambriolages du genre sont en effet régulièrement liés au grand banditisme, car « il faut les ressources pour commanditer le vol, pour l’équipement et pour s’occuper des objets ensuite », explique celui qui dirige le cabinet Règles de l’art.
Les réseaux criminels peuvent ainsi utiliser les œuvres volées comme monnaie d’échange lors de transactions de drogue ou d’armes en remplacement de l’argent comptant.
D’autres raisons « plus rares » existent, comme le désir de rendre la justice en enlevant une pièce d’une collection occidentale. On parle aussi de « vols alimentaires », dont les pièces sont revendues rapidement, ou encore de « vols commandités par des collectionneurs qui souhaitent obtenir des œuvres que l’on ne peut pas acquérir sur le marché », note Me Le Moine.
Le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a fait état d’une équipe de cambrioleurs « chevronnés », qui pourraient être « étrangers » et « éventuellement » connus pour des faits similaires, ce qui laisse croire à une connexion au crime organisé.
Les malfaiteurs ont posé une nacelle, qui leur a permis d’atteindre un balcon et de s’introduire dans le musée après avoir coupé la vitre à l’aide d’une disqueuse. Tous masqués, ils ont pris la fuite avec neuf pièces, et l’une d’entre elles — la couronne de l’impératrice Eugénie — a été retrouvée à terre par la suite.
Pourquoi des bijoux ?
Dans le cadre de ce cambriolage, « on n’a pas visé la galerie d’Apollon par hasard », souligne François Le Moine.
Non seulement les 800 pièces d’orfèvrerie qui composent la collection sont faciles à transporter et les matériaux ont une grande valeur, mais « il est beaucoup plus facile de les revendre que des peintures italiennes de la Grande Galerie, juste à côté, ou qu’une statue de marbre provenant des antiquités romaines, juste en dessous », selon le spécialiste.
En effet, « les moyens technologiques font en sorte qu’il est de plus en plus difficile de revendre une œuvre d’importance qui a été volée et dont le vol a été publicisé ».
Les maisons d’enchères doivent notamment vérifier la provenance des pièces avant de procéder à la vente, dit M. Le Moine, en citant l’exemple du portrait de Winston Churchill volé au Château Laurier, qui a été retrouvé en Italie après une vente dans une maison d’enchères de Londres. Dans ce cas précis, ni le vendeur ni l’acheteur ne savaient que la photographie était volée, selon la police.
Détruits ou cachés ?
Pour ces raisons, dans le cas du cambriolage au Louvre, « le risque est très élevé que les bijoux soient détruits », estime l’avocat.
À titre d’exemple, ce dernier cite le vol d’une pièce d’or de 100 kg frappée par la Monnaie royale canadienne et dérobée dans un musée de Berlin. Bien que plusieurs personnes aient été condamnées, la pièce n’a jamais été retrouvée, donc la fonte de l’or demeure l’hypothèse prédominante.
Dans le cas du cambriolage de dimanche, « la perte serait énorme, car il s’agit d’objets intimement liés à l’histoire française », soutient François Le Moine.
Dans un scénario où les huit bijoux ne sont pas détruits, les retrouver serait possible, au fil de l’enquête policière. Mais « ce sont des pièces de petite taille, il est facile de les transporter », explique Me Le Moine. « C’est le genre d’objets que l’on peut cacher très longtemps. »
Comme la valeur des œuvres a été jugée culturellement « inestimable » et que les pièces volées résidaient dans un musée non destiné à la revente, il est difficile d’estimer leur valeur en argent, tant sur le marché traditionnel que sur le marché noir.
Il faudrait donc « regarder dans le détail la valeur des diamants et d’une couronne de ce genre sur le marché », observe l’avocat, qui souligne qu’« il ne doit pas y avoir beaucoup de comparatifs ».
Alain Lacoursière, ancien policier et expert en enquêtes sur l’art, abonde dans le même sens : les cambrioleurs ont sans doute « choisi la bijouterie la plus vulnérable selon eux ».
Et, à des fins de revente, les pierres précieuses des bijoux dérobés ont probablement déjà été desserties et retaillées, et le métal a déjà été fondu, croit-il.
Bien que plusieurs musées assurent leurs œuvres et leurs pièces de collection, les musées publics de la France ont l’État lui-même comme assureur. Le Louvre ne sera donc pas dédommagé pour le vol. En contrepartie, le musée n’aura pas à rembourser son assureur si les bijoux sont retrouvés.
Comment les choses se déroulent-elles si une pièce est assurée ? Après avoir été dérobé au Musée des beaux-arts de Montréal en 2011, un bas-relief de Persépolis, cité de la Perse antique, a été retrouvé en Alberta « chez quelqu’un qui disait l’avoir acheté pour une bouchée de pain à Montréal lors d’une visite », raconte François Le Moine.
Mais comme l’assureur avait déjà dédommagé le musée, celui-ci faisait face à un choix : récupérer la pièce vieille de 25 siècles en remboursant les fonds reçus ou garder ceux-ci et laisser la compagnie d’assurances disposer de l’objet, explique l’expert. C’est la seconde option qui a été choisie dans ce cas, et la pièce s’est finalement retrouvée en Iran.
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