Dossier | Sondage SOM-La Presse | Les Québécois tournent le dos à Legault (2 articles)

(Québec) François Legault a beau miser sur une poignée d’idées populaires pour se relancer, le verdict sur son avenir politique est sévère : les trois quarts des Québécois jugent qu’il devrait partir avant les élections générales.
Publié à 5 h 00
Même si le premier ministre assure qu’il sollicitera un troisième mandat, il ne convainc pas grand monde. À peine 16 % des Québécois croient qu’il devrait se représenter aux élections de l’automne 2026, révèle le sondage SOM réalisé pour La Presse.
Le premier volet de ce coup de sonde, publié mardi1, montrait un appui à la réforme du régime syndical, au resserrement de la laïcité et aux coupes dans la bureaucratie annoncés par François Legault dans son plan de match pour la dernière ligne droite de son mandat.
Un constat s’impose, selon le vice-président de SOM, Vincent Bouchard : il ne semble pas y avoir de problème avec le message, mais plutôt avec le messager.
« L’usure du pouvoir » fait son œuvre et « l’écoute de la population » à l’égard du premier ministre faiblit, résume-t-il.
Des résultats « majeurs »
Trois options ont été offertes au millier de personnes sondées concernant l’avenir politique de François Legault.
Ainsi, 31 % pensent que le premier ministre devrait « démissionner avant la fin de son mandat ». Et 43 % croient qu’il devrait achever « son mandat puis se retirer de la vie politique ».
Ce sont donc 74 % des Québécois qui veulent le départ de M. Legault d’ici les élections.
La tentative du premier ministre d’inverser la tendance est infructueuse. En décembre 2024, d’après la firme Pallas, 53 % des Québécois pensaient que le premier ministre devrait « démissionner avant les élections » – on n’offrait pas la possibilité de répondre qu’il quitte la vie politique au terme du mandat. Et 33 % croyaient qu’il devrait briguer un troisième mandat.
Or, selon le sondage SOM, deux fois moins de Québécois (16 %) sont aujourd’hui d’avis que le premier ministre devrait « se représenter aux élections générales d’octobre 2026 pour solliciter un autre mandat ». C’est seulement 13 % chez les femmes, contre 19 % chez les hommes.
Les 65 ans et plus sont à peine plus indulgents envers François Legault que les autres groupes d’âge : 21 % d’entre eux croient qu’il devrait briguer les suffrages à nouveau.
Les 25-34 ans sont ceux qui réclament dans une plus forte proportion sa démission ou son départ à la fin du mandat (près de 80 % au total, dont 41 % plaident pour la démission).
C’est un coup dur pour François Legault, qui a déjà déclaré à quelques reprises qu’il solliciterait un troisième mandat à la condition de « sentir l’appui de la population ». Il ne veut plus parler de cette condition aujourd’hui et dit avoir l’intention de se représenter malgré la grogne.
Les résultats de ce sondage sont « majeurs », selon Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. La tâche de M. Legault s’annonce colossale, car il ne peut pas vraiment « s’accrocher à un groupe de la population » en particulier pour se relancer. « Ça va mal pour lui partout », lâche-t-elle.
La côte va être dure à remonter. Avec un sondage qui sort comme ça, ça vient un peu valider que, oui, il serait peut-être temps pour M. Legault de partir, alors ce n’est pas une bonne nouvelle pour lui.
Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa
Un premier ministre du Québec s’est-il déjà fait montrer la porte de façon aussi claire ? Les comparaisons sont difficiles, puisque les sondeurs ne posent pas souvent ce genre de question. En 2010, au beau milieu du mandat des libéraux qui étaient alors très impopulaires, 57 % des Québécois souhaitaient que le premier ministre Jean Charest démissionne et 26 % voulaient qu’il reste, selon une enquête de Léger Marketing. Après le fameux « printemps érable » de 2012, M. Charest avait tenté sans succès de décrocher un autre mandat, cédant le pouvoir à un Parti québécois minoritaire à l’Assemblée nationale.
François Legault a moins de temps qu’il n’en avait pour renverser la vapeur, mais il en a encore, estime Eric Montigny, professeur de science politique à l’Université Laval.
« Je crois beaucoup à ce que Robert Bourassa disait : six mois en politique, c’est une éternité. Et la dernière élection fédérale nous a confirmé que c’était toujours le cas. »
« L’espace-temps politique » s’est accéléré avec les réseaux sociaux, observe-t-il. Des mouvements soudains dans l’opinion publique peuvent survenir plus facilement et rapidement. « Le deuxième phénomène, c’est la baisse de l’identification partisane. On a une plus grande fluidité de l’électorat qu’il y a 20 ans ou 30 ans. » Par conséquent, « je dirais que l’élection est encore loin et que le gouvernement a du temps », conclut-il.
Grande insatisfaction
La prestation de François Legault n’impressionne guère la population. Quelque 60 % des Québécois se disent « totalement insatisfaits » (31 %) ou « insatisfaits » (29 %) de sa « performance personnelle ». Seulement 15 % témoignent de leur satisfaction. Et 22 % expriment leur tiédeur, ne s’estimant ni satisfaits ni insatisfaits.
Vincent Bouchard note que l’on ne mesure pas souvent la part de la population se disant ni chaude ni froide, mais cette donnée est importante à ses yeux.
« Quand un gouvernement amène des changements ou de nouvelles idées, c’est cette partie de la population qu’il peut attirer. Ce sont ceux qui sont les plus faciles à convaincre de changer d’avis, et on voit qu’ils sont quand même relativement nombreux », explique-t-il.
Le taux de satisfaction à l’égard du gouvernement est aussi famélique : 13 % seulement. « La tendance concernant l’insatisfaction se confirme encore », dit Vincent Bouchard. Il n’y a pas de grande différence dans l’évaluation que font les Québécois du travail du gouvernement et de François Legault personnellement.
« On se doutait que le gouvernement était impopulaire, mais là, il est vraiment impopulaire », constate Geneviève Tellier.
Elle observe que plus le revenu familial d’une personne est élevé, plus son mécontentement est grand.
L’insatisfaction se trouve sous les 55 % pour les revenus inférieurs à 75 000 $, mais elle se situe au-delà de 70 % chez les 150 000 $ et plus.
« Les gens moins nantis semblent en vouloir un peu moins que les autres à M. Legault et à la CAQ. C’est étonnant. Il n’a pas les appuis chez ses alliés naturels. Ce sont les gens du milieu des affaires qui devraient l’appuyer parce que son discours porte sur l’efficacité de l’État et l’économie. Mais ça semble les plus insatisfaits. »
Pas de successeur clair
Qui serait le meilleur choix pour remplacer François Legault à la tête de la CAQ ? Aucun successeur potentiel ne se démarque clairement.
Sonia LeBel et Simon Jolin-Barrette sont en tête avec 14 % d’appuis chacun. Geneviève Guilbault et Christian Dubé se trouvent à égalité, à 10 %. Suivent Bernard Drainville (6 %) et Christine Fréchette (5 %). Plus du tiers des Québécois (36 %) ne savent pas ou préfèrent ne pas répondre.
« Je ne suis pas surpris de voir autant d’indécis, parce qu’on n’est pas encore dans une course à la chefferie », affirme Vincent Bouchard. Les résultats sont « extrêmement serrés », et il n’y a « pas un engouement » autour d’un successeur selon lui.
« La CAQ, c’est le parti de François Legault. C’est lui qui l’a créé. Et on se rend compte qu’il n’y a pas beaucoup de dauphins et de successeurs en devenir qui portent sa vision de coalition », estime Geneviève Tellier. Elle relève par exemple que Geneviève Guilbault, ex-libérale, et Bernard Drainville, ex-péquiste, appartiennent à chacune des deux ailes que M. Legault a voulu réunir.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Simon Jolin-Barrette (à gauche) et Sonia LeBel (derrière François Legault), le mois dernier
Comme « personne ne sort du lot parmi les prétendants » et qu’il n’existe pas de pression interne pour qu’il démissionne, « je ne pense pas que ce sondage va pousser François Legault à partir ».
« Il n’y a pas de fronde d’aspirants à la CAQ, constate également Eric Montigny. Ce n’est pas comme d’autres situations qui concernaient aussi un premier ministre en poste. Dans le cas de Jean Chrétien, il y a eu une fronde et il y avait un aspirant, Paul Martin, qui était organisé et structuré. Même chose pour Justin Trudeau avec Chrystia Freeland qui a mené la fronde contre lui. On n’a pas ça à la CAQ. »
PSPP, meilleur PM
Le quart des Québécois (26 %) pensent que Paul St-Pierre Plamondon ferait le meilleur premier ministre. Il est particulièrement populaire en région. Ses appuis sont particulièrement importants chez les 65 ans et plus (35 %) et sont plus faibles chez les 18-24 ans (11 %).
François Legault se trouve tout de même en deuxième place, à 14 %. Il n’y a pas de véritable lune de miel pour le nouveau chef libéral, Pablo Rodriguez, qui obtient un score de 12 % et que l’on a peu vu sur la place publique depuis sa victoire de juin. Ses partisans sont concentrés dans la grande région de Montréal (17 %), où il bat François Legault (11 %) et s’approche de Paul St-Pierre Plamondon (21 %).
Éric Duhaime suit de près à 10 %. Avec 25 % dans la grande région de Québec, il chauffe le chef péquiste (26 %).
Ruba Ghazal récolte seulement 6 %. Ses appuis se situent surtout chez les moins de 34 ans. Elle n’a droit qu’à des miettes chez les 55 ans et plus.
Pour 15 % des Québécois, aucun des chefs de parti actuels ne mérite le titre de meilleur premier ministre. Et 17 % ne savent pas ou préfèrent ne pas répondre.
1. Lisez le texte « Un appui fort aux mesures sur la laïcité et les syndicats »
Méthodologie
L’étude a été réalisée en ligne du 8 au 12 octobre 2025 auprès d’un échantillon de 1058 adultes québécois inscrits au panel d’internautes de SOM. Les résultats ont été pondérés de manière à refléter les principales caractéristiques sociodémographiques des adultes québécois. À titre indicatif, la marge d’erreur maximale pour un échantillon complètement probabiliste de même taille est de plus ou moins 3,5 %, 19 fois sur 20.




