L’armée ne recrute pas assez et ses logements sont délabrés, souligne la vérificatrice

De nombreux logements utilisés par les membres des Forces armées canadiennes (FAC) dans plusieurs bases sont en « mauvais état » et propices à la surpopulation, a révélé la vérificatrice générale Karen Hogan dans un rapport d’audit publié mardi.
Mme Hogan et son équipe ont examiné les conditions de vie sur trois bases des FAC : Esquimalt en Colombie-Britannique, Gagetown au Nouveau-Brunswick et Trenton en Ontario.
L’audit de Mme Hogan a révélé que les bâtiments inspectés par son équipe étaient vieillissants et délabrés — le plus ancien datant de la Grande Dépression — et que 32 des 35 structures nécessitaient au moins une réparation prioritaire.
« Cela peut signifier que le bâtiment n’avait pas d’eau potable […] que les toilettes ne fonctionnaient pas ou que les murs extérieurs étaient endommagés », a détaillé Karen Hogan lors d’une conférence de presse, après la publication du rapport.
« C’est le genre de conditions dans lesquelles vous et moi ne voudrions pas vivre, et le genre de conditions dans lesquelles, selon moi, nous ne devrions pas nous attendre à ce que nos Forces armées canadiennes vivent », a-t-elle ajouté.
Le rapport indique que les données de la Défense nationale suggèrent qu’au moins 25 % de ses logements nécessitent des réparations majeures ou ne répondent pas aux besoins opérationnels. Elle a également reproché au ministère de ne pas avoir atteint ses propres objectifs de dépenses en matière d’entretien des infrastructures.
« Nous travaillons activement à améliorer tout cela », a assuré le ministre de la Défense, David McGuinty, lorsqu’une journaliste lui a demandé, après la publication du rapport, s’il accepterait de vivre dans les logements d’une base militaire.
« Nous avons réalisé le plus important investissement dans les Forces armées canadiennes depuis une génération. Nous avons accordé d’importantes augmentations de solde […] dans le cadre du programme de recrutement et de maintien en poste des jeunes soldats », a-t-il ajouté.
« On fait le travail nécessaire qui a été, selon moi, depuis des décennies, laissé tomber par des gouvernements et là, on prend l’argent qu’on a investi dans nos Forces armées canadiennes et la question, maintenant, c’est la mise en œuvre du plan de reconstruction et de construction. […] On bouge. C’est une question de revoir tout ce qu’on a dans notre inventaire et le plan est en place », a exposé le ministre en français.
M. McGuinty a également reconnu des problèmes de plomb dans les systèmes d’alimentation en eau de certains logements des bases.
« Nous avons du travail à faire », a-t-il dit.
Manque de logements
L’audit a porté à la fois sur les logements gérés par les bases individuelles et sur les logements gérés par l’Agence de logement des Forces canadiennes.
Le document a révélé que l’Agence de logement des Forces canadiennes ne dispose pas de suffisamment de logements pour répondre aux besoins militaires, ce qui pose un défi alors que les Forces armées canadiennes prévoient de recruter plus de 6000 nouveaux membres d’ici avril 2029.
Au printemps, l’armée ne disposait que de 205 logements résidentiels vacants, et 3706 candidats étaient sur liste d’attente.
De nombreux membres insatisfaits d’un changement de politique de 2024, accordant aux nouvelles recrues un accès prioritaire au parc de logements résidentiels disponible, ont également été entendus lors des groupes de discussion organisés par le bureau de la VG avec des militaires.
La Défense nationale n’avait pas évalué les répercussions potentielles de ce changement de politique ni son potentiel à compromettre les efforts de rétention des militaires de longue date, pointe l’audit.
« Compte tenu du nombre de membres qu’il faut ajouter pour que les Forces armées canadiennes atteignent leur effectif complet et du fait que la réserve d’unités de logement résidentiel n’a pas augmenté de manière substantielle au cours des deux derniers exercices, il existe un risque que les membres de longue date se voient accorder une priorité moindre pour l’attribution d’unités de logement résidentiel », prévient la VG.
Trop peu de recrutements
Dans un rapport distinct sur le recrutement, Mme Hogan affirme que l’armée ne recrute pas suffisamment pour répondre à ses besoins opérationnels et que la Défense nationale ne sait pas toujours pourquoi les recrues potentielles abandonnent leur candidature.
« Nous avons constaté que les Forces armées canadiennes avaient du mal à attirer et à former un nombre suffisant de recrues hautement qualifiées pour maintenir les effectifs dont elles avaient besoin dans de nombreux groupes professionnels, comme les pilotes et les techniciennes et techniciens de munitions », a souligné Karen Hogan.
Seulement un Canadien sur 13 ayant postulé en ligne pour s’enrôler dans les forces armées au cours de la période de vérification de trois ans a été recruté avec succès.
Les Forces armées canadiennes ont reçu 192 000 candidatures en ligne de 2022 à 2025, mais 54 % des candidats se sont retirés volontairement dans les deux mois suivant leur candidature.
L’armée s’est engagée à recruter davantage de résidents permanents. Bien que ce chiffre ait augmenté au cours de la période de vérification, seuls 2 % des résidents permanents qui ont postulé ont été recrutés, comparativement à 10 % des candidats qui étaient citoyens canadiens.
Le délai de recrutement cible des FAC est de 100 à 150 jours. L’audit a révélé que le processus de recrutement prend en réalité deux fois plus de temps et que l’arriéré des enquêtes de sécurité a augmenté au cours de la période d’audit de trois ans, passant de 20 000 à près de 23 000 recrues potentielles.
Les Forces armées canadiennes cherchaient à recruter plus de 19 700 nouvelles recrues au cours de la période d’audit, mais 4700 leur ont finalement manqué.
David McGuinty a défendu son ministère, affirmant que la Défense nationale avait fait des progrès dans la refonte de son système de recrutement au cours de la dernière année.
L’armée a effectivement dépassé son objectif de recrutement de 210 personnes au cours du dernier exercice financier.
Cependant, le rapport prévient que les forces armées n’ont pas la capacité de former tous les membres qu’elles recrutent si elles atteignent également leurs objectifs de recrutement. Cette pression a forcé les FAC à embaucher des instructeurs temporaires.
L’audit avertit que la formation future est compromise en raison d’une pénurie d’instructeurs, probablement causée par « un manque d’incitatifs et une charge de travail exigeante », combinée à des pénuries persistantes d’équipement.
Interrogé sur le rapport de la VG concernant le recrutement, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a pointé qu’atteindre l’objectif de 2 % de dépenses en Défense fixé par l’OTAN nécessitait un plan.
« Ce n’est pas vrai qu’on peut juste dire “on va décaisser 9 milliards $ demain matin”, a argué M. Blanchet. Il faut avoir un plan […]. Je suis convaincu que, en présentant un plan faisable et réaliste, le gouvernement pourrait avoir une certaine patience de la part de ses alliés. Le principal élément, c’est que les alliées y croient. »
« Il n’y a pas de force armée canadienne sans tous les employés et militaires qui consacrent leur vie professionnelle aux forces armées », a-t-il ajouté.
Dans une déclaration envoyée par courriel, les conservateurs ont dénoncé « une spirale mortelle en matière de recrutement et de rétention, à un moment où le monde est devenu plus dangereux ».
Le député James Bezan, porte-parole conservateur en matière de Défense nationale, a écrit que « le Canada [faisant] face à de nouvelles menaces de la part de ses adversaires à travers le monde, nous avons besoin d’une armée prête à monter la garde ».




