La Couronne réclame 12 ans de pénitencier | Un fugitif prétend fuir la justice, car il a « très, très peur » pour sa vie

Un fugitif prétend se cacher des autorités, parce que sa vie serait menacée et que les policiers ne lui offriraient aucune protection. Mais selon le juge, c’est plutôt pour éviter la prison que Jean-François Malo fuit la justice. La Couronne demande jusqu’à 12 ans de pénitencier pour avoir commandé une attaque contre un avocat.
Mis à jour hier à 17 h 37
« Les menaces à mon endroit sont extrêmement sérieuses. J’ai vraiment très, très peur. »
C’est ce que Jean-François Malo a écrit au juge Denys Noël, mercredi midi, pour justifier son absence à l’audience au palais de justice de Longueuil. Une missive étonnante, puisque le criminel est activement recherché par la police depuis qu’il a fait faux bond au tribunal la semaine dernière.
L’homme d’affaires controversé de Joliette devait alors témoigner lors de l’audience visant à déterminer sa peine. Il a été reconnu coupable, le printemps dernier, d’avoir embauché deux hommes de main pour attaquer un avocat impliqué dans un litige civil avec lui en 2020. Il était en liberté depuis quelques années.
On croyait avoir tout vu dans cette saga. Déjà, qu’un avocat du Mouvement Desjardins se fasse tirer dessus, chez lui, était hors du commun. Mais une autre situation exceptionnelle est survenue mercredi matin, lorsque le juge Noël s’est montré ouvert à ce que Jean-François Malo – un fugitif – assiste à l’audience par visioconférence en après-midi.
« Je ne crois pas qu’il sera possible une connexion pour aujourd’hui », a cependant répondu Jean-François Malo dans un courriel envoyé à 12 h 15 et intitulé « Problèmes de connexion ».
Le juge Noël s’est empressé de refermer la porte en après-midi, affirmant qu’il n’avait jamais eu l’intention de permettre à Malo d’être présent virtuellement.
Pourquoi Jean-François Malo a-t-il prétendument si peur ? On l’ignore, puisque le juge Noël a décidé de mettre sous scellés une missive du délinquant envoyée pendant la nuit. « Il en va de sa sécurité que des informations ne soient pas rendues publiques », a déclaré le juge. Cette décision est contestée par des médias, dont La Presse.
PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE
Jean-François Malo et son avocat, Karl-Emmanuel Harrison, en mai dernier
L’avocat qui représente Jean-François Malo depuis plusieurs années l’a abandonné mercredi matin, se disant « sans mandat ». « Des gens sont identifiés dans [la lettre de M. Malo]. Comme avocat proche de la retraite, je ne veux pas m’associer à ses récriminations », a déclaré Me Karl-Emmanuel Harrison.
Même s’il est tenaillé par la peur, Jean-François Malo demeure en contact régulier avec sa famille depuis le début de sa cavale. Il a d’ailleurs échangé plusieurs messages avec sa conjointe, surtout concernant « l’école des enfants », a indiqué la Couronne. Il serait parti de chez lui le 13 octobre dernier, avec son ordinateur et des documents. Personne ne l’aurait vu depuis. En théorie, il n’a pas le droit d’avoir un passeport.
« [M. Malo] anticipait une peine de détention et [le fait] qu’il ne serait pas protégé en détention. Il se plaignait de menaces et mentionnait ne pas avoir reçu d’aide ou de protection des policiers », a dit le juge, en résumant le premier courriel mis sous scellés.
Une « attaque » contre le système de justice
Le ministère public n’a pas eu trop de mal à convaincre le juge que Jean-François Malo tentait de « s’esquiver ». Ainsi, la Couronne a été en mesure de plaider en son absence mercredi. Elle a réclamé une peine « très importante » de 10 à 12 ans de pénitencier, donc équivalente ou plus élevée que les peines imposées aux « exécutants ».
Daouda Dieng et Cheikh Ahmed Tidiane Ndiaye ont reçu des peines de 9 et 10 ans de détention après avoir été reconnus coupables d’avoir déchargé une arme à feu de façon dangereuse. Selon la Couronne, comme Jean-François Malo a été reconnu coupable de voies de fait graves, il s’agit d’un crime de même gravité objective. Les trois hommes ont été acquittés de tentative de meurtre.
Aux yeux de la Couronne, Jean-François Malo s’est carrément « attaqué » au système judiciaire.
C’est un facteur particulièrement aggravant. […]. Le Tribunal doit envoyer un message clair qu’aucun individu ne peut se faire justice en attaquant un avocat.
Me Tian Meng, procureure de la Couronne
Jean-François Malo a prémédité cet attentat, selon la Couronne. Il avait obtenu l’adresse personnelle de la victime, Me Nicholas Daudelin (maintenant juge à la Cour du Québec), par l’entremise de son avocat de l’époque. « C’était planifié et délibéré », a insisté Me Meng.
Après l’attaque, Jean-François Malo a continué de fréquenter les exécutants. Une vidéo réalisée pendant une filature policière permet de constater la « complicité » entre M. Malo et M. Diang. « Ils sont collés et chuchotent pendant la COVID », a fait valoir la procureure de la Couronne.
Jean-François Malo n’a ni remords ni amorce de réhabilitation. Il se pose plutôt en victime des médias et du système de justice, a-t-elle noté. « C’est encore un discours de “Je, me, moi”. J’AI subi la médiatisation », a plaidé Me Meng, en insistant sur le « j’ai ».
Même s’il n’a pas d’antécédents judiciaires, Jean-François Malo présente un risque de récidive, selon un rapport. Sa situation financière demeure « nébuleuse », souligne la Couronne. Il n’a pas de réel emploi et sa mère paye toutes les dépenses de sa famille. Par ailleurs, Malo s’est retrouvé de façon suspecte en contrôle d’un penthouse de 2 millions de dollars en 2023.
Le juge rendra sa décision dès jeudi après-midi.




