Procès du meurtre de Lola : Dahbia Benkired condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté incompressible

Depuis son instauration en 1994, cette peine n’a été prononcée qu’à quatre reprises pour des meurtres d’enfants accompagnés de viols ou tortures.
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Publié le 24/10/2025 17:28
Mis à jour le 24/10/2025 17:54
Temps de lecture : 6min
Dahbia Benkired a été jugée du 17 octobre au 24 octobre 2025 par la cour d’assises de Paris, trois ans après le meurtre de Lola, 12 ans. (THIERRY THOREL / MAXPPP)
C’est une première dans l’histoire judiciaire française : jusqu’ici, jamais une femme n’avait écopé de la peine la plus lourde prévue par le Code pénal. A l’issue de six jours d’audience, la cour d’assises de Paris a condamné, vendredi 24 octobre, Dahbia Benkired à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté incompressible, rendant infime tout espoir de libération. Le tribunal, composé de trois magistrats et de six jurés, a ainsi décidé de suivre les réquisitions de l’avocat général.
L’accusée, âgée de 27 ans, a été jugée coupable des chefs de “meurtre d’un mineur de 15 ans”, et de “viol commis sur un mineur avec torture ou acte de barbarie”. Le 14 octobre 2022, elle avait violé, torturé puis tué Lola, une collégienne de 12 ans.
La période de sûreté fixe la durée pendant laquelle un condamné ne peut bénéficier d’aucune remise de peine, aménagement ou sortie. Pour les crimes les plus graves, le Code pénal autorise la cour d’assises à l’allonger jusqu’à trente ans, voire à la rendre perpétuelle, ce qui alors rend la peine “incompressible”. Durant cette période, la porte de la prison reste close : aucun aménagement de peine ni aucune permission de sortie ne sont possibles, sauf escortes strictement encadrées. “Aucune des mesures énumérées au même article 132-23 ne pourra être accordée au condamné”, a ainsi énoncé le président des assises en rendant le verdict.
Le condamné ne peut espérer une révision qu’après trente ans, sur décision d’un tribunal de l’application des peines et après expertise médicale. Trois psychiatres agréés doivent alors attester d’une absence de dangerosité. En pratique, c’est donc l’ultime verrou du système pénal français, réservé aux cas les plus graves. Depuis son instauration en 1994, cette peine n’a été prononcée qu’à quatre reprises pour des meurtres d’enfants accompagnés de viols ou tortures. Et jamais à l’encontre d’une femme.
La plaidoirie d’Alexandre Valois n’aura donc pas suffi. “Plus la souffrance est grande, moins la justice est audible”, avait-il lâché vendredi en préambule de sa plaidoirie de la défense, face au jury, dans un silence presque hostile. D’une voix ferme, il avait exhorté les jurés à “se défaire de leurs préjugés, de ces images pourries par trois ans de médias sensationnalistes”. Pendant près de deux heures, il s’est accroché à cette ligne de crête, tentant de desserrer l’étau moral qui s’est refermé sur sa cliente. Il a longuement évoqué ses “traumatismes”, les coups du père, les viols, la misère, les médicaments, la prostitution. Autant d’éléments qui n’ont pu être ni formellement établis, ni complètement exclus par l’enquête.
Il a dressé le portrait d’une jeune femme brisée, “violentée physiquement, puis psychiquement”, une bombe à retardement nourrie au cannabis et à la solitude. Alexandre Valois s’est accroché à ce qu’il pouvait : la complexité, l’humain, la faille.
“Elle [a] déchargé sa colère et sa haine. Ça paraît simpliste ? Ça ne l’est pas.”
Alexandre Valois, avocat de l’accusée
Pendant sa plaidoirie
“Il est de ce dossier une vérité que je qualifierais d’absolue : de victime à bourreau, il n’y a parfois qu’un pas”, a-t-il tonné, les mains battant l’air, la voix vibrante. Et de conclure avec cette citation de Fiodor Dostoïevski : “Si le juge était plus juste, peut-être le criminel ne serait pas coupable.” Un argumentaire qui, semble-t-il, n’a pas su convaincre le jury.
Juste avant lui, l’avocat général avait pris la parole en début de matinée pour retracer “l’éternité de souffrance” qu’a fait subir Dahbia Benkired à la collégienne de 12 ans. Devant son pupitre, l’avocat général avait commencé par citer Albert Camus : “Un homme, ça s’empêche.” Puis, quelques minutes plus tard, après avoir replongé la salle dans l’horreur : “Dahbia Benkired, elle ne s’empêche pas, elle ne s’empêche plus. Lola est entre ses mains une chose, un objet, elle n’est plus là que pour le bon plaisir de sa tortionnaire.”
“On a ôté toute humanité au corps devenu tour à tour objet sexuel, support de violences extrêmes et morceau de chair encombrant.”
L’avocat général
Pendant le réquisitoire
Pendant plus d’une heure, il a détaillé ces 97 minutes “de supplices, au cours desquelles Lola se fera méticuleusement ôter son enfance, sa féminité et son humanité”. Le magistrat est longuement revenu sur les “38 coups portés à un corps d’enfant dénudé, meurtri par un viol, à une fillette de 12 ans humiliée, qui n’a jamais été en capacité de résister”. “C’est la définition même de la torture, d’un acte de barbare”, a-t-il asséné.
Dans le box, Dahbia Benkired n’a cessé de le fixer, bras croisés, sans ciller. L’avocat général a affirmé ne voir qu’une “continuité” dans le comportement de l’accusée, fustigeant sa logique froide “qui fait frémir”. Enfin, il s’est tourné vers les jurés, avant de réclamer la peine la plus sévère de l’arsenal judiciaire français : “Aujourd’hui, vous avez à juger des crimes qui touchent aux valeurs les plus fondamentales de notre société : la vie, la dignité humaine, la protection des mineurs, l’intégrité sexuelle.”




