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«On ne sait pas si le toit de notre maison va tenir»: un Franco-Jamaïcain raconte le passage de «Melissa»

Melissa, l’ouragan le plus puissant jamais enregistré en Jamaïque, a touché terre dans l’après-midi, faisant souffler des vents de presque 300 kilomètres par heure. « On ne sait pas si le toit de notre maison va tenir », a confié au Devoir un Franco-Jamaïcain sur place.

L’ouragan a été classé dans la catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, qui en compte cinq. Il a été rétrogradé en catégorie 4 vers midi, heure de Montréal. Il doit ensuite se diriger vers Cuba.

Pierre Lemaire, président de l’Alliance française de la Jamaïque, a construit sa maison il y a sept ans à Beverly Hills, un quartier de la capitale, Kingston, dans le sud-est du pays, et craint que son toit en tuiles ne résiste pas au passage de l’ouragan. « Pour l’instant, avec le vent que l’on voit, le toit devrait tenir, mais si ça devient plus fort, il y aura des problèmes », a-t-il indiqué, « prudent » et « stressé » de la suite.

Arrivé en Jamaïque en 1976, il a également vécu l’ouragan Gilbert, en 1988, et l’ouragan Béryl, en 2024. « J’ai vu plusieurs ouragans passer, mais celui-là est non seulement plus fort, mais il se déplace tellement lentement que c’est difficile », a-t-il dit, précisant que « ça fait trois jours qu’il pleut sans arrêt ». Il se dit « épuisé » de chercher constamment la moindre fuite d’eau dans sa maison.

Au moment de l’appel avec Le Devoir, M. Lemaire avait perdu l’électricité depuis deux heures. « On sait quand ça part, mais on ne sait jamais quand ça revient. » Du haut de sa colline, il a une vue prenante sur la ville de Kingston. En regardant par la fenêtre, il remarque que la plupart des poteaux télégraphiques sont encore debout, ce qui n’était pas le cas lors de l’ouragan Gilbert. En 1988, les habitants de la région ont attendu jusqu’à six mois avant que l’électricité revienne, selon lui.

Malgré tout, il estime que sa femme et lui sont chanceux parce qu’ils ne se trouvent pas dans la partie du pays qui sera la plus touchée par l’ouragan. « Je suppose que dans la région sud-ouest, ce sera différent », a-t-il dit. « On pense beaucoup à nos amis qui sont là-bas en se demandant comment ils vont pouvoir tenir le coup jusqu’à ce que l’ouragan parte. »

L’ouragan Melissa est la tempête tropicale la plus puissante de 2025 dans le monde entier, selon une analyse par l’Agence France-Presse des données météorologiques de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA).

« On ne dort pas »

Sophie Rouleau et son mari, François Bédard, partagent leur vie entre Lanaudière et la Jamaïque. Depuis huit ans, ils vivent la moitié de l’année en Jamaïque, dans la montagne du côté de Bluefields, dans le sud-ouest, au sein d’une communauté rasta, dont les membres sont devenus leur famille.

« Ça fait deux nuits qu’on ne dort pas, on se sent terriblement impuissants », a avoué Mme Rouleau, qui est actuellement au Québec et qui est sans nouvelles de ses proches depuis lundi soir. « Les derniers messages que j’ai reçus, ils nous disaient qu’ils sentaient déjà qu’un monstre arrivait. »

Sa communauté est située en hauteur dans les montagnes, très excentrée, à plus d’une heure et demie de route de la première épicerie. Le couple québécois craint que l’ouragan fasse tellement de dégâts que la route pour se rendre jusqu’à la communauté soit totalement inaccessible, ce qui rendrait l’accès à l’eau potable et à la nourriture complexe.

« Si c’était juste de moi, je serais déjà là. Mais aussitôt qu’on va pouvoir prendre l’avion, je vais aller les retrouver, c’est certain. Ils vont avoir besoin d’un gros coup de pouce », a affirmé Mme Rouleau, qui vient d’ouvrir une cagnotte en ligne pour venir en aide à sa communauté.

Elle sait que lorsqu’elle y retournera, les paysages seront bien différents de ce qu’elle a connu : « Je ne m’attends pas à revoir le même paysage. »

« Ça détruit énormément de choses »

Philippe Gachon, professeur au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal, sait qu’« un ouragan d’une telle intensité, ça détruit énormément de choses ».

Comme M. Lemaire, l’expert remarque également que le système se déplace très lentement. « Des systèmes comme ça, d’une telle catégorie, d’une telle intensité et qui se déplacent très lentement, sont associés évidemment à des quantités de précipitations qui sont énormes », a-t-il expliqué, évoquant des précipitations de 700 à 800 mm dans certains secteurs, « l’équivalent de ce qui peut tomber en un an » en Jamaïque.

Lorsque les deux variables, vents et précipitations, se combinent, « c’est un facteur de destruction extrêmement important ».

Il explique également que les températures de l’océan Atlantique sont très élevées pour cette période de l’année, ce qui favorise la formation de systèmes de dépression tropicale. « Plus les eaux sont chaudes et dépassent les 27 degrés, plus on augmente la probabilité d’avoir, justement, la formation de ce genre de système. »

« Nous suivons la situation de près et sommes prêts à fournir de l’aide, y compris un soutien humanitaire », a déclaré sur X la ministre des Affaires étrangères du Canada, Anita Anand. « Le Centre de surveillance et d’intervention d’urgence de 24 h/24 d’Affaires mondiales Canada est également prêt à aider tout Canadien ayant besoin d’assistance dans la région », a-t-elle ajouté.

Avec Léo Mercier-Ross

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