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Ils ont tous un peu raison

J’étais dans le métro hier, direction maison et je pensais au miracle qu’est, justement, le métro.


Publié à 5 h 00

Si Jean Drapeau n’avait pas puisé dans ses réserves de démesure pour devenir le géniteur du métro de Montréal, cette ville serait invivable. Si on pense que cette ville est un bouchon perpétuel, pensez à ce qu’elle serait si Montréal n’avait pas de métro… 

Ça ressemblerait à Montréal le 1er novembre, quand le service de métro et d’autobus a été suspendu par la grève des chauffeurs de bus et des opérateurs de métro. Ce samedi ressemblait à un jeudi en heure de pointe : bouché partout.

Je me disais aussi, entre Berri-De Monti… pardon, entre Berri-UQAM et Sherbrooke, que ce conflit à la Société de transport de Montréal (STM) est le genre de conflit que j’haïs, comme chroniqueur, comme faiseur de sens, comme pompiste de l’opinion médiatique.

Comme humain, même, tiens. C’était avant le règlement, en soirée, du conflit entre la STM et les chauffeurs de bus et opérateurs de métro.

Parce que je suis d’accord avec à peu près tout le monde, là-dedans. Pas sur tous les points, mais personne n’est totalement dans le tort. Ou presque.

D’abord, je suis d’accord avec les usagers du métro et de l’autobus qui se sentent pris en otages. L’expression est galvaudée, mais elle n’est pas loin de la réalité au sens métaphorique quand tu dépends entièrement des transports en commun pour gagner ta croûte.

Les plus aisés vont prendre un taxi, un Uber. Mais les plus aisés sont sous-représentés dans l’autobus et le métro.

Les moins aisés, surreprésentés dans l’autobus et dans le métro, doivent renoncer à des quarts de travail. Ou à une visite à la banque alimentaire, à un rendez-vous à l’hôpital.

Ils regardent le conflit de travail, puis ils prennent connaissance des conditions de travail des syndiqués CSN et SCFP de la STM. Ce sont des conditions de travail objectivement avantageuses : sécurité d’emploi, bon salaire, caisse de retraite, congés de maladie payés et monnayables…

L’aide-cuisinier d’une RPA qui a raté des quarts de travail parce que l’horaire du métro était un fromage emmental depuis deux semaines n’a pas ces conditions de travail. Pas sûr qu’il va chanter so-so-so-li-da-ri-té.

Je comprends aussi les syndiqués. Ils ont un autre point de vue sur le conflit. Ils veulent une augmentation semblable à celle d’autres sociétés de transport. Ils citent la difficulté du boulot. Ce qui est souvent vrai, mais ce qui ne justifie pas forcément toutes les demandes de concessions à l’employeur.

Je comprends aussi Marie-Claude Léonard, dont la tâche de DG de la STM est semblable au fait de jongler avec des grenades tout en marchant les yeux bandés dans un champ de mines.

Financièrement, Mme Léonard dirige une organisation défaillante : la chute de fréquentation de la pandémie n’a jamais été rattrapée (ce qui cause un manque à gagner) et les investissements de l’État ne sont pas à la hauteur des besoins (d’un réseau souterrain vieillissant, notamment).

Ça donne un déficit d’opération et de maintien d’actifs vertigineux, dans un contexte où quatre syndicats de la STM veulent renouveler leurs conventions collectives.

Politiquement, Mme Léonard ne peut pas dire ce qu’elle pense du rôle des élus dans les déboires de la STM. Mais ça tombe bien, parce que son prédécesseur, Luc Tremblay, lui, peut dire le fond de sa pensée…

Il faut lire la lettre de l’ex-DG de la STM dans La Presse, publiée lundi dernier 1. Il s’en prend aux politiciens rêveurs qui ont plombé la STM et pas seulement la méchante-CAQ-qui-n’aime-pas-le-transport-en-commun…

M. Tremblay cible Projet Montréal, qui a fait de la STM un joujou politique avec des achats d’autobus inutiles. Il cible aussi la CAQ, qui a voulu se donner une conscience verte en imposant l’achat d’autobus électriques.

Facture des « rêves » de politiciens qui préfèrent faire des annonces spectaculaires sur le dos de la STM plutôt que de la laisser rénover des tunnels : 2,5 milliards, au bas mot, ces dernières années.

M. Tremblay dit ce que Mme Léonard ne peut sans doute pas dire : la STM fonctionnerait mieux si le politique lui fichait la paix. On ne peut pas évacuer cette donnée du marasme actuel à la STM.

Je suis d’accord avec les syndicats quand ils disent que le sous-financement de la STM aggrave ces conflits de travail. Je suis moins d’accord quand ils essaient de faire passer leurs conditions comme étant tout droit sorties de Germinal alors qu’elles se comparent avantageusement à d’autres métiers équivalents dans le privé…

Je suis d’accord avec les syndicats quand ils disent que la loi 14 du ministre du Travail Jean Boulet va saper leur pouvoir de négociation. Je suis d’accord avec Jean Boulet quand il dit que Montréal ne peut pas être privé de transports en commun si fréquemment.

Je suis aussi d’accord avec l’aide-cuisinier en RPA qui aimerait bien faire toutes ses heures ce mois-ci. Avec le petit commerçant qui se ruine à payer des Uber à ses employés et avec le pauvre qui prend la ligne 161 pour aller à la banque alimentaire du Multi Caf dans Côte-des-Neiges…

J’aimerais que tout soit blanc, que tout soit noir, que je n’aie pas à faire le grand écart entre les positions légitimes de plusieurs « parties prenantes »2, ça ferait des chroniques plus punchées, je trouve, mais plus loin de la réalité, aussi.

Le voyage de Christian Dubé

J’ai dit tout le mal que je pense de la loi 2 de Christian Dubé et du gouvernement dans le conflit avec les médecins. Je ne sens pas le besoin d’en rajouter pour l’instant.

Cependant, j’aimerais dire deux trucs aux médecins qui font circuler une photo du ministre de la Santé à l’aéroport, hier, lorsqu’il a pris un vol vers la Floride.

Un, ce n’est pas illégal, il a le droit.

Deux, on ne peut pas dénoncer la délation imposée aux médecins dans les articles les plus liberticides de la loi 2 et, en même temps, stooler un ministre qui s’en va en voyage lors d’une relâche des travaux de l’Assemblée nationale en prenant une photo de lui alors qu’il n’est pas dans une activité professionnelle.

C’est incohérent.


1. Lisez la lettre de l’ancien DG de la STM Luc Tremblay

2. J’haïïïïïs cette expression, mais une fois n’est pas coutume.

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