Radio-Canada se retrousse les manches pour attirer les enfants sur sa plateforme Tou.tv et met à leur disposition deux chaînes numériques en continu depuis lundi : la chaîne Jeunesse, destinée aux 3 à 7 ans, et pour les 5 à 9 ans, la chaîne L’agent Jean !, du nom du personnage créé en 2011 par l’auteur québécois de bande dessinée Alex A.
Avec cette initiative gratuite et sans publicité, le diffuseur public espère ramener au bercail les bambins et les parents ayant migré vers YouTube Kids et TikTok.
Divisée en trois blocs de huit heures d’émissions par jour, la chaîne Jeunesse présentera une majorité de productions canadiennes, dont Arthur l’aventurier, et « certaines acquisitions étrangères, comme Petit Ours brun, qui a une belle présence auprès des enfants, notamment dans les magazines », précise Nathalie Chamberland, directrice des émissions jeunesse à Radio-Canada. La plupart des acquisitions diffusées sur la chaîne Jeunesse étaient déjà présentées à ICI Télé ou sur Tou.tv, note-t-elle également.
La chaîne L’agent Jean ! déclinera les aventures animées de cet agent secret (dont Pier-Luc Funk est la voix) et celles des apprentis Mini-Jean (Ludivine Reding) et Mini-Bulle, toutes produites par le studio Happy Camper Média, qui signe aussi l’émission Les dragouilles, celle-là présentée sur la chaîne Jeunesse.
Renaud Sylvain, président et producteur exécutif chez Happy Camper Média, décrit son entente avec Radio-Canada comme un « partenariat » pour reconquérir les petits auditeurs et leurs parents, d’autant que l’attrait de la télévision traditionnelle est en chute libre, spécialement chez les moins de 18 ans, selon de nombreux rapports.
« Oui, il y a du rattrapage à faire. Pour rejoindre le jeune public, mais aussi le reste de la population », reconnaît-il. « Globalement, en ce qui concerne les habitudes d’écoute, le Québec a toujours été protégé par sa langue et son star-système unique — et ça pèse dans l’équation, même pour un succès comme celui de L’agent Jean !. Il y a un rattrapage à faire, mais je pense quand même que ce n’est pas impossible. »
« Il était temps »
« On a besoin, avec nos partenaires — Radio-Canada et les autres diffuseurs d’émissions jeunesse —, d’explorer, d’expérimenter dans notre modèle et avec les particularités du marché québécois pour trouver comment rejoindre ce public. Le fait de mettre la jeunesse de l’avant aujourd’hui, de prioriser ces contenus, envoie un excellent signal dans la foulée des recommandations du rapport du Groupe de travail sur l’avenir de l’audiovisuel au Québec », dévoilé en septembre dernier, note Renaud Sylvain.
« C’est sûr qu’il était temps » que Radio-Canada emboîte le pas avec son offre numérique en continu, reconnaît Christine Asselin, première directrice responsable de la webtélé, d’ICI Tou.tv et des émissions jeunesse chez le diffuseur public. « L’écoute jeunesse se fait sur toutes sortes de plateformes, mais avec toutes les chaînes télé qui ont fermé ces dernières années [Yoopa, Vrak], on a vu notre part de marché beaucoup augmenter », précise-t-elle. « Conséquemment, on se dit qu’il y a un lien entre Radio-Canada et le public. […] On va suivre ce filon d’occuper l’espace numérique et se tailler une meilleure place. »
Mme Asselin entend notamment miser sur le badge de qualité qu’incarne la société d’État : un travail de sélection a été fait dans le montage de la programmation de ces deux chaînes jeunesse, qui sera bonifiée de nouveaux contenus tous les trois mois. « Tou.tv a réussi à se tailler une place malgré la présence des géants américains [dans l’univers de la télé numérique et à la demande]. C’est ce qu’on veut faire avec la programmation jeunesse », lance-t-elle.
Les deux chaînes seront aussi disponibles sur YouTube d’ici un mois, tout comme l’est déjà la chaîne CBC Kids, lancée lundi par le pendant anglophone de Radio-Canada.
