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Grève de la STM | Sans bus ni métro, Montréal risque la paralysie

Montréal est privée de transport en commun samedi en vertu d’une décision du Tribunal administratif du travail (TAT) qui autorise les chauffeurs de bus et de métro de la Société de transport de Montréal (STM) à débrayer pendant un peu plus de 24 heures. La métropole peut-elle se passer du transport collectif ? Pourquoi n’est-il pas considéré comme essentiel un samedi ?

D’emblée, Anne-Julie Rolland, avocate et docteure en droit, est catégorique. Non, sans la « preuve prépondérante d’un danger public imputable à la grève », le transport en commun ne peut pas être considéré comme un service essentiel. « Il faut envisager l’obligation de maintenir les services essentiels de façon qu’elle porte le moins possible atteinte au droit constitutionnel de faire la grève », explique la chargée d’enseignement à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.

La loi qualifie d’« essentiel » un service « dont l’interruption peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique ». Or, le TAT a tranché jeudi : seul le transport adapté, soit le service porte à porte sur réservation offert aux personnes ayant des limitations fonctionnelles, répond à ce critère.

Organisme indépendant, le TAT a comme mission d’évaluer sous cet angle l’offre de service lors d’un conflit de travail. Après le dépôt d’un avis de grève, les parties doivent s’entendre sur une proposition commune, qui doit ensuite être approuvée.

« Si la grève avait été tenue un lundi, par exemple, l’analyse aurait été différente », indique Mme Rolland.

« Parmi ces déplacements effectués la fin de semaine, la moitié le sont pour des loisirs. De plus, contrairement aux heures de pointe en semaine, les déplacements de la fin de semaine se répartissent sur l’ensemble de la journée, étalant ainsi les possibilités de congestion routière », a expliqué la juge administrative Maude Pepin Hallé dans sa décision de jeudi.

L’Autorité régionale de transport métropolitain chiffre à plus de 640 000 le nombre de déplacements dans le réseau de la STM un samedi. Ce nombre augmenterait au moins du tiers en semaine, selon la STM.

Lors des deux dernières grèves des employés d’entretien de la STM, en juin et en septembre, le TAT avait déterminé qu’un service offert uniquement lors des heures de pointe en semaine était suffisant.

Deux grèves qui font mal

Ce sont bel et bien deux grèves distinctes qui expliquent l’arrêt — complet ou partiel — des services de transport en commun montréalais en novembre.

D’une part, les chauffeurs, les opérateurs et les agents de station syndiqués de la STM ne seront pas au travail le 1er novembre, soit de 1 h samedi jusqu’à 6 h 30 dimanche. Le groupe représentant plus de 4600 salariés a aussi déposé un avis de grève pour un potentiel débrayage les 15 et 16 novembre prochains. Les modalités exactes de cette grève ne sont pas encore connues puisque le TAT ne s’est pas encore penché sur la question.

D’autre part, le Syndicat du transport de Montréal, qui représente les employés des services d’entretien, a déposé un avis de grève pour la période du 31 octobre en soirée au 28 novembre. Sans entente entre les deux parties, la grève se poursuivra tous les jours de la semaine. Un service partiel d’autobus sera maintenu lors des heures de pointe, soit de 6 h 15 à 9 h 15 le matin, de 14 h 45-15 h à 18 h en après-midi, puis de 23 h 15 à 1 h 15 la nuit. Le métro, lui, sera ouvert de 6 h 30 à 9 h 40, de 14 h 45 à 17 h 50 ainsi que de 23 h à 1 h. Cet horaire s’appliquera tous les jours de la période de grève.

Il n’y a aucun doute : ces deux grèves simultanées feront très mal aux Montréalais et aux banlieusards. Et ce, surtout samedi, puisqu’aucun service ne sera offert, pas même aux heures de pointe.

Aussitôt annoncées, ces deux grèves ont été vivement dénoncées par plusieurs membres de toutes parts de la société civile, allant du milieu des affaires au monde culturel.

« On le sait que c’est exceptionnel et que c’est extrêmement dérangeant pour notre clientèle de ne pas pouvoir compter sur le transport collectif », a concédé vendredi avant-midi la directrice de la STM en conférence de presse. « D’autant plus que c’est une plage [horaire], les samedis et dimanches, où [la STM] est revenue à 100 % de [son] achalandage prépandémique », a ajouté Marie-Claude Léonard.

Il s’agirait là du nerf de la guerre dans ce conflit de travail, selon la professeure Anne-Julie Rolland. « C’est le [but] de la grève, d’infléchir l’opinion publique et de déranger. Une grève qui ne dérangerait pas est une grève qui ne réussirait pas à atteindre son objectif », explique-t-elle.

Vers une intervention de Québec ?

Le ministre québécois du Travail, Jean Boulet, s’est à maintes reprises dit ouvert à intervenir dans ce conflit opposant la STM à ses employés en forçant l’arbitrage.

La nouvelle Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lockout entrera en vigueur le 30 novembre prochain. Elle octroie à Québec le pouvoir de confier la négociation d’un conflit de travail à un arbitre s’il y a risque de dommages sérieux ou irréparables à la population.

Dans une sortie publique, vendredi, le Conseil du patronat du Québec a appelé le ministre Boulet à avancer la date d’application de la loi afin de « réduire concrètement les impacts de cette grève ».

Ne précisant pas s’il comptait agir de la sorte, le ministre du Travail a dit au Devoir être « extrêmement préoccupé » par la situation. « Le conflit entre la STM et les employés d’entretien doit se régler dans les plus brefs délais, dans l’intérêt de la population. Cette grève va causer une fois de plus un préjudice important aux personnes qui dépendent du transport en commun », a-t-il affirmé dans une déclaration écrite.

Avec Léo Mercier-Ross

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