De combats et d’amour, de Lisette Lapointe | Quêtes d’indépendance

Publié hier à 13 h 00
Dans l’appartement de Lisette Lapointe, de grands tableaux colorés partagent les murs avec des photos de Jacques Parizeau et elle. Deux bibliothèques sont lestées de beaux livres. Mme Lapointe peut maintenant y ranger un nouvel ouvrage : le sien.
« J’ai toujours voulu écrire. Toute ma vie, j’ai pris des centaines de pages de notes. Sans celles-ci, je n’aurais jamais pu écrire cet ouvrage. J’ai été capable de reproduire des dialogues vieux de 30, 40 ans », dit-elle.
Si le titre, De combats et d’amour, est éloquent, la lecture fait réaliser que la quête d’indépendance s’est conjuguée au pluriel dans la vie de la nouvelle autrice.
Avant d’épouser le 26e premier ministre du Québec, Mme Lapointe a été enseignante, employée au journal Le Jour, directrice générale d’Auto Prévention, l’association sectorielle des services automobiles. Mariée trois fois avant de rencontrer l’« homme de [sa] vie », elle a vécu des épisodes où les finances étaient très serrées.
Mère seule, elle a vendu des produits Tupperware pour faire vivre sa famille. « J’en ai mangé, de la soupe Lipton et du beurre de pinottes », dit-elle.
Chose certaine, elle a écouté le conseil que sa mère lui a donné. « Un jour, en épluchant des concombres, elle m’a dit de m’arranger pour être financièrement indépendante. »
Bien plus tard, à 63 ans, Lisette Lapointe est devenue députée. À 70 ans, mairesse. À 82 ans, autrice. « La vie n’est jamais finie tant que ce n’est pas fini », dit-elle, l’œil pétillant.
PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE
Lisette Lapointe et Jacques Parizeau en 2008
Le mot amour du titre de son ouvrage renvoie bien sûr à Jacques Parizeau, avec qui elle a été mariée durant 23 ans, mais aussi à ses enfants Hugo et Natalie.
L’histoire, tragique, de son fils, grièvement blessé à la suite d’un accident de la route où un ancien maire a été reconnu coupable de conduite en état d’ébriété, l’a menée à un long combat juridique qu’elle a perdu. Ce récit est aussi au cœur de l’ouvrage où l’autrice remet plusieurs pendules à l’heure, y compris avec La Presse.
« Loin de moi l’idée d’avoir écrit un livre de règlements de comptes, assure-t-elle. J’espère simplement rectifier certaines choses. »
Le 30 octobre de Lisette Lapointe
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PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE
Lisette Lapointe et Jacques Parizeau se rendent voter le jour du référendum le 30 octobre 1995.
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PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE
Lisette Lapointe dépose son bulletin de vote dans l’urne lors du référendum du 30 octobre 1995.
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PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE
Lisette Lapointe et Jacques Parizeau lors de la soirée référendaire du 30 octobre 1995
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« LA » phrase du 30 octobre 1995
Dans cette perspective, impossible de passer à côté du 30 octobre 1995, jour de référendum au Québec. Ce soir-là, Jacques Parizeau, une fois la défaite du Oui confirmée, lâche une phrase lourde de répercussions : « On a été battus au fond par quoi ? Par l’argent, puis des votes ethniques, essentiellement. »
Au fil des ans, nombreux sont les observateurs à avoir noté que ce « des votes » a parfois été tourné en « le vote » ou « les votes », ce qui irrite Mme Lapointe. Pour elle, la déclaration de M. Parizeau faisait référence à une conférence de presse où les dirigeants des congrès juif, grec et italien avaient demandé aux membres de leur communauté de voter en bloc pour le Non.
Quand tu fais un appel à ta communauté de voter en bloc, c’est un vote communautaire et c’est un vote ethnique qu’on appelle. C’est ça que Jacques Parizeau voulait dire.
Lisette Lapointe
« Mais ce qu’il aurait dû faire est d’expliquer immédiatement le sens de ces mots-là, poursuit la mémorialiste. Ajouter “quand je dis des votes ethniques, je ne parle pas individuellement des Québécois d’origine grecque, italienne, haïtienne, tunisienne […]. Je m’adresse spécifiquement aux trois leaders qui ont appelé un vote ethnique”. »
« Il ne faut pas oublier que Jacques Parizeau était marié avec Alice Poznańska, qui était juive polonaise, pendant 34 ans, ajoute-t-elle. Ce n’est pas quelqu’un qui en avait contre les communautés culturelles, au contraire ! »
Faut-il faire un troisième référendum ? « Bien sûr ! Ce pays, il faut le faire. Je suis très fière de voir Paul St-Pierre Plamondon nous revenir avec ce goût du pays », dit-elle à propos du chef du Parti québécois, présent au lancement de son ouvrage.
Lisette Lapointe sera au Salon du livre de Montréal.
Extrait
« La nuit du 30 octobre est noire et froide. Soudain le silence. Terminés, les cris de rassemblement, les cris de victoire des tenants du Non ; terminés les cris de souffrance, de rage, de défaite des partisans du Oui. Cette nuit-là, j’ai pensé mourir. J’étais frigorifiée, je tremblais de tous mes membres et de toute mon âme. J’arrivais à peine à respirer et, sans crier gare, des flots de larmes me brouillaient la vue. Aucun endroit où me cacher pour hurler ma peine. J’étais terrorisée à la pensée de ce que traversait et de ce que traverserait mon homme, mon grand homme, mon amoureux, brisé, épuisé, terrassé. »
Qui est Lisette Lapointe ?
Née le 13 septembre 1943, Lisette Lapointe a été enseignante. Militante pour le Parti québécois aux élections de 1973, elle travaille ensuite au quotidien Le Jour avant de devenir attachée de presse de Jacques Parizeau durant la campagne électorale de 1976. Directrice générale d’Auto Prévention durant 20 ans, elle voit sa route croiser à nouveau celle de Jacques Parizeau en 1992. Mariée à ce dernier durant 23 ans, elle devient députée du PQ (Crémazie) de 2007 à 2011 et députée indépendante en 2011-2012. Elle a été mairesse de Saint-Adolphe-d’Howard de 2013 à 2017.
De combats et d’amour
Les Éditions de l’Homme
496 pages




