Hugo pop ! | Au bal des annulés avec un seul invité

Le documentaire de Marie-France Bazzo s’appelle Le grand retour des annulés et la rumeur enflait à propos de grosses pointures médiatiques qui y témoigneraient, à visage découvert, de leur bannissement du showbiz québécois.
Publié à 7 h 15
S’agirait-il de l’animateur Éric Salvail, en mode silence depuis octobre 2017 ? Des humoristes Julien Lacroix et Philippe Bond ? Ou même du chanteur Kevin Parent, qui a amorcé sa tournée de rédemption à Tout le monde en parle, en avril dernier ?
Aucun d’entre eux n’accorde d’entrevue dans ce film de 52 minutes, que Télé-Québec relaiera lundi à 20 h (il se visionne déjà en ligne sur le site web du diffuseur public). Le seul artiste connu que la productrice et animatrice Marie-France Bazzo a convaincu de parler à la caméra est… l’auteur-compositeur-interprète Bernard Adamus.
Désolé, votre navigateur ne supporte pas les vidéos.
Dans la grande échelle de notoriété des vedettes d’ici, il y a des A, des B et des C. Bernard Adamus, révélé par son album Brun en 2009, se situe probablement entre le C et le D. Comprendre : il ne suscite pas un immense buzz médiatique, loin de là.
Un autre jeune homme excommunié pendant le vague de Dis son nom, à l’été 2020, raconte comment la publication de son identité sur une liste d’agresseurs sexuels présumés a détruit sa vie personnelle et professionnelle, mais il le fait de façon anonyme, comme à l’époque de l’émission Enjeux.
Marie-France Bazzo a évidemment contacté – sans succès – tous les bannis des cinq dernières années, dont l’animateur Guillaume Lemay-Thivierge, qui explique, au cellulaire, pourquoi il ne participera pas au projet de Télé-Québec. C’est tout. Et c’est bien peu.
Cela dit, ce que raconte Bernard Adamus à Marie-France Bazzo n’est pas inintéressant. Le chanteur de 47 ans, sobre depuis cinq ans, reconnaît qu’il a longtemps été toxique et il s’en excuse encore.
« C’était certainement à moi de ne me pas me rendre, pas à pas, où je me suis rendu », confie Bernard Adamus à Marie-France Bazzo. Il précise : « Je l’ai créé, le mur, et j’ai rentré dedans, il n’y a pas de doute. »
Et qu’a fait Bernard Adamus, figure de proue du folk-trash, pour être largué par sa compagnie de disques Dare to Care, en juillet 2020 ? Des inconduites sexuelles, il a menti et trompé, il a envoyé chier tout le monde, il était défoncé, il a eu des compulsions sexuelles et des problèmes « de consommation de toute », énumère-t-il.
IMAGE FOURNIE PAR TÉLÉ-QUÉBEC
Marie-France Bazzo
À l’époque, la fille de Bernard Adamus avait 18 ans. « Elle m’a vraiment haï, elle a été spectaculairement déçue », se souvient celui qui donne des spectacles dans des petites salles de région depuis deux ans et demi.
Le Montréalais Bernard Adamus a jeté aux vidanges tous ses trophées, dont ses prix Félix, et habite maintenant dans un shack à la campagne, où Marie-France Bazzo l’a interviewé. « On m’a demandé d’être mieux et d’être une meilleure personne », philosophe-t-il entre deux bouffées de cigarette.
Pendant l’heure que dure Le grand retour des annulés, on sent que Marie-France Bazzo se retient de donner son opinion claire et tranchée sur son sujet, même si on la devine. « J’ai contribué à une annulation, celle de Guillaume Lemay-Thivierge », confesse Marie-France Bazzo à propos d’un épisode de La grande messe auquel l’ex-animateur de Chanteurs masqués a participé et que Télé-Québec n’a jamais diffusé après le scandale du « mot commençant par un N », gravé sur un bouleau en mars 2024.
Avec le recul, Marie-France Bazzo « éprouve un malaise » quant à son « modeste rôle de productrice » du talk-show La grande messe à Télé-Québec. On comprend ici qu’elle aurait voulu mettre en ondes cet épisode controversé, que le public n’a jamais vu. D’où les multiples perches qu’elle a tendues à Guillaume Lemay-Thivierge pour réparer les pots cassés. Mais l’ancien matou se confessera plutôt à l’émission Une époque formidable de Stéphan Bureau, le mercredi 12 novembre à 20 h, toujours à Télé-Québec.
IMAGE FOURNIE PAR TÉLÉ-QUÉBEC
La psychologue Rachida Azdouz
Dans Le grand retour des annulés, la psychologue Rachida Azdouz compare la culture du bannissement à un « assassinat symbolique ». « On ne peut pas éliminer physiquement une personne qui a commis quelque chose de répréhensible ou de condamnable à nos yeux, alors on l’assassine symboliquement. On bannit, on condamne à mort autrement », explique-t-elle.
À l’autre bout du spectre idéologique, deux militantes et humoristes, Emma Achour et Coralie LaPerrière, qui coaniment le balado écoféministe Farouches, ne se gênent pas « de call out tous les cancels ». En français, ça signifie qu’elles « interpellent les gens annulés ».
C’est en fessant dans les fissures que l’on détruit le système et que l’on stoppe les cycles de violence, affirment-elles. Selon Coralie LaPerrière, « les vagues de dénonciation ont contribué à sortir les vidanges, mais on n’a pas encore de politique zéro déchet ».
C’est une ligne efficace et punchée, certes, mais dépouillée de toute forme de nuance. Marie-France Bazzo pose d’excellentes questions dans son documentaire. Pourquoi certaines vedettes ont-elles droit à une deuxième chance et d’autres pas ? Qui décide, qui pardonne, qui fixe le temps que dure le purgatoire ?
Les réponses arriveront peut-être dans une deuxième partie mettant en vedette Maripier Morin et Éric Lapointe.
Je lévite
Avec la chanteuse Olivia Dean
Je suis en amour avec cette auteure-compositrice-interprète anglaise de 26 ans, qui concocte de la musique néo-soul et jazzy clairement influencée par la Californie des années 1970. Son deuxième album, The Art of Loving, contient de petits bijoux ensoleillés comme Nice to Each Other et l’irrésistible pièce Man I Need. En entrevue, Olivia Dean, qui ressemble beaucoup à l’actrice Zendaya, cite Amy Winehouse, The Supremes et Carole King comme influences principales et ça s’entend dans ses chansons délicieusement accrocheuses, qui font rire, danser et pleurer.
Je l’évite
Le vin orange
On peut tous, collectivement, arrêter de se mentir. Maintenant. Parce c’est rarement bon, du vin orange. Oui, les vieilles amphores géorgiennes, oui, la macération pelliculaire, oui, les belles étiquettes funky, oui à un minimum d’interventions chimiques, mais il faut que cette mode de vin vivant, trouble ou fermier cesse dans les restaurants. Bien sûr, on a tous cédé à la tendance, il y a cinq ou six ans, en s’exclamant, à la SAQ : wow, ils ont du Meinklang Kontakt ! Mais ça suffit. Comme l’écrit le magazine Vanity Fair ce mois-ci, le vin n’a pas besoin d’être réinventé ni de goûter la vieille eau de radis.




