TLMEP : de belles gueules, un coup de gueule et du cassage de gueules

Mais c’est la politique qui a été au centre des échanges les plus intéressants de Tout le monde en parle, dimanche.
Guy A. Lepage avait réuni d’une part la nouvelle mairesse de Montréal Soraya Martinez Ferrada, et d’autre part les deux co-porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal (en poste depuis novembre 2024) et Sol Zanetti, avec qui elle partage son fauteuil depuis le 8 novembre. À ces échanges s’est greffé le sociologue et chroniqueur Mathieu Bock-Côté, qui a été cuisiné sur les thèmes traversés par Les deux Occidents, son nouvel essai.
Serge Denoncourt est quant à lui venu faire la promotion de son livre Serge à Paris, sorte de carnet de voyage à travers les différents arrondissements de la Ville Lumière, au fil des pages duquel le metteur en scène partage ses bonnes adresses (musées pas toujours très connus, ateliers d’artistes, restaurants et cafés de quartier, etc.) et deux «éclats de rire». Ce «beau livre» truffé de photos fait évidemment écho à sa populaire série éponyme, que diffuse TV5.
La présence de la dernière invitée, Gabrielle Côté, a été l’occasion de rappeler ce qui, pour beaucoup, est maintenant une évidence: le sport féminin aussi peut aussi soulever les foules. La comédienne est venue présenter Les Furies, une comédie ayant pour cadre le milieu du hockey féminin et le roller derby, dont elle a signé le scénario. Son film se présente comme la «première comédie sportive québécoise au féminin».
Stéphane Rousseau a reconnu qu’il n’était au départ pas du tout certain de vouloir embarquer dans l’aventure de l’adaptation québécoise de Karaoké Club, un concept d’émission importé de Grande-Bretagne. Mais «la plupart de mes fantasmes ont pu être réalisés», s’est-il réjoui.
Les futurs invités de Stéphane Rousseau ne sont pas particulièrement reconnus pour leur organe vocal, à part sans doute Debbie Lynch-White, a reconnu Rousseau, avant de suggérer que Lou-Pascal Tremblay lui avait «écorché les oreilles». Guy A. a mentionné que l’un des prérequis pour participer à Karaoké Club était de ne «pas avoir honte du ridicule» à l’antenne». Ce à quoi Rousseau a acquiescé, en suggérant que même Guy A. pourrait s’en sortir.
Stéphane Rousseau est aussi revenu sur ses autres récentes participations télévisées. Il adore Chanteurs masqués, tout en avouant volontiers ne pas être très impliqué dans les «enquêtes» visant à identifier les concurrents. Son rôle au sein de la série STAT semble lui tenir plus à cœur. Il dit avoir appris énormément au côté de ses collègues de jeu. Rousseau a en revanche nié avoir reçu le moindre «privilège» de la part de la réalisatrice de la série, Julie Perreault, qui est aussi sa blonde.
Prime Video Canada
(La bande-annonce de «Karaoké Club», émission animée par Stéphane Rousseau à découvrir à partir du 21 novembre)
Stéphane Rousseau, qui prépare enfin un nouveau spectacle (écrit à quatre mains avec Matthieu Pepper) a aussi saisi l’occasion pour parler de sa passion pour le dessin, qu’il a mis à profit pour le Canadien de Montréal et sa Fondation. Un segment sympathique de 17 minutes de promo bien tassées, quoi…
La première blague que Jean-Sébastien Girard a adressée à la nouvelle mairesse montréalaise a porté sur les cônes orange; la première question de Guy A. portait sur la menace de grève de la STM, dossier pour lequel elle semble avoir eu «la chance de la débutante», a suggéré l’animateur.
Mais c’est surtout d’itinérance, cheval de bataille de Soraya Martinez, dont il a été question. Le prix de l’immobilier dans la métropole s’est presque aussi rapidement immiscé dans la conversation.
Jeudi, lors de son discours d’assermentation, elle laissait entendre que «tout le monde» allait devoir participer» à l’«effort de guerre », à venir dans le combat qu’elle compte mener contre la double crise du logement et de l’itinérance.
Quand tu vois une tente, [ça signifie que] collectivement, on a échoué», a-t-elle soufflé en évoquant les camps d’itinérant qui pullulent dans la métropole comme ailleurs.
Le plan montréalais contre itinérance mis en place par l’administration précédente «n’est pas suffisant», a-t-elle martelé. Pour mettre à bien son plan, elle a reconnu qu’elle devra préalablement «obtenir davantage de pouvoirs de la part de Québec».
Mme Martinez Ferrada (qui est la première mairesse montréalaise issue de la diversité) s’est identifiée comme une «fille de la loi 101». En tant que femme «pragmatique» et «progressiste», elle dit vouloir dépasser le clivage gauche-droite pour arriver à ses fins.
S’engageant à «penser comme un promoteur immobilier», elle s’est prononcée en faveur de la multiplication de projets de construction de logements sociaux. Son parti, Ensemble Montréal, mettra en place un programme d’aide à la mise de fonds, a-t-elle indiqué.
«Propreté, permis, chantiers, propreté : la ville est un chaos de gouvernance», a convenu Soraya Martinez Ferrada, qui s’est aussi engagée à améliorer le «sentiment d’insécurité» des Montréalais. Congestions du trafic et cônes orange sont venus émailler la conversation.
Serge Denoncourt, qui a débarqué sur le plateau juste après la mairesse, a cru bon de montrer patte blanche en clamant son amour – en même temps que sa «peine d’amour» – pour Montréal.
Malgré les apparences actuelles, sa relation avec la capitale française demeure «compliquée», a reconnu le metteur en scène, qui a «redécouvert Paris», ses terrasses et ses clichés, grâce à la pandémie.
Jamais avare de potins, Guy A. a finement amorcé la conversation sur les «révélations très intimes» et autres confidences qu’ont osé faire certains des invités de Denoncourt – ce qui a permis ensuite à l’animateur et à son fou du roi de multiplier les blagues de tout-nu dans le sauna.
Ce que le metteur en scène a surtout découvert au fil des deux saisons de cette émission parisienne, c’est le plaisir d’interviewer et de converser avec le monde. S’intéresser aux autres plutôt que de parler de lui, ça lui a «pris du temps». «Presque 60 ans», a blagué Serge Denoncourt.
La troisième saison aura peut-être un épisode intitulé Serge au sauna. Et peut-être – c’est un gros et très hypothétique peut-être – pourra-t-on voir plus tard Serge à Shawinigan.
À l’heure où «les tensions raciales [et la peur du] grand remplacement» semblent devenus un thème récurrent des médias français, Denoncourt, qui a élu domicile dans un secteur populaire et métissé du 10e arrondissement, a estimé que les Français qu’il côtoie, surtout les jeunes, sont plutôt dans une posture d’«apaisement». Il répondait à une question sur les attaques terroristes au Bataclan.
Celui qui s’apprête à monter une d’adaptation québécoise du Comte de Monte-Cristo a cru bon d’expliquer la différence entre le «Serge sans filtre», qu’il est, et le «Serge chialeux» qu’on l’imagine être. Si le personnage d’Edmond Dantès – et sa quête de vengeance – lui parle tant, c’est peut-être parce que Denoncourt se sait «rancunier» à long terme.
Le metteur en scène a en revanche refusé – pour des motifs d’ordre judiciaire – d’aborder le litige qui l’oppose au cinéaste Mathieu Kassovitz, pour qui le Québécois a monté l’adaptation musicale, pour les planches, du film culte La Haine.
La séquence la plus percutante est venue par l’entremise de Mathieu Bock-Côté, qui a défendu avec l’éloquence (et la véhémence) qu’on lui connaît un discours habituellement «non gratta» à l’antenne et sur les ondes – surtout publiques.
Son livre défend l’idée d’un chiasme entre deux occidents: d’un côté l’Amérique trumpienne et de l’autre, une Europe que Bock-Côté considère progressiste. Cette dichotomie a commencé à se dessiner à la chute du bloc communiste, puis s’est précisée au fil de la dissolution des frontières, fait valoir l’auteur – qui est régulièrement invité à prendre la parole à titre de chroniqueur dans des émissions d’information françaises.
Les questions de Guy A. Lepage suggéraient que certains des propos de Bock-Côté pouvaient être «racistes», «haineux», «conspirationniste», voire «trumpiens». Le sociologue a martelé n’avoir «aucune sympathie» pour l’actuel président des États-Unis, qu’il trouve «ubuesque et grotesque». Pourtant, «ce personnage ne doit pas faire écran» à ce que sa réélection dit de l’Amérique profonde, et du «ras-le-bol» ou du désaveu de la population pour certains discours de la gauche qui, derrière leur bienveillance, sont à ses yeux dangereux pour l’identité culturelle d’un pays.
«Le concept de ‘propos haineux’ sert à criminaliser toute forme de remise en question», dénonce-t-il en préférant parler de son «conservatisme». Lui qui se pique de déboulonner l’idéologie wokiste sur de multiples tribunes de part et d’autre de l’Atlantique, a profité de cette tribune pour «déconstruire les discours haineux» et «les nouvelles formes d’un autoritarisme qui ne dit pas son nom».
Nombreux sont ceux qui lui reprochent de prôner un repli identitaire, plutôt que l’accueil. Défendant ses positions, le sociologue a fait valoir que, face à l’afflux migratoire incessant, le Québec «a dépassé [sa] capacité d’intégration».
Ce ne sont pas les immigrants ni «les musulmans» qui sont dans sa mire, a plaidé l’essayiste. «Pour moi, le “eux”, c’est le Canada anglais» avant tout. Un «eux» qui, conjugué à la pression du multiculturalisme canadien, n’augure rien de bon pour l’avenir d’«un Québec Trudeauïsé», a-t-il argué en allant jusqu’à parler de «suicide» culturel.
Pour Bock-Côté, le simple fait de parler français est à risque de devenir quelque chose de l’ordre de l’«accommodement raisonnable», d’ici «quelques années».
La tendance actuelle «nous pousse vers la louisianisation’; on va devenir comme le personnage de la chanson Mommy», a prophétisé Bock-Côté, qui estime ne pas avoir à s’excuser pour ses idées «nationalistes et indépendantistes», même si elles froissent bien des sensibilités.
Par «peur de disparaître», il entend donc continuer «de s’opposer à l’islamisme, ses codes et ses normes», au fil d’un «combat identitaire qui ne devrait pas être confondu avec le racisme ou encore l’islamophobie».
L’arrivée de Sol Zanetti à la tête de Québec solidaire (QS) remet le projet d’indépendance en tête des priorités du parti.
Il préconise toutefois de fédérer le mouvement souverainiste autour d’une approche inclusive de l’identité, de l’immigration et de la laïcité.AinsiSol Zanetti a désavoué, ces dernières semaines, les lois québécoises interdisant les signes religieux et celles qui visent à réduire l’immigration; ces politiques, dit-il, «prennent racine dans les préjugés et la peur». Malheureusement, TLMEP n’a donné à Sol Zanetti l’occasion de croiser le fer avec Mathieu Bock-Côté sur cette question.
Les deux co-porte-parole de QS se sont toutefois fait questionner sur la tiédeur souverainiste de membres et sympathisants de leur parti.
Après avoir reconnu qu’il avait «des chaussures énormes à combler», le successeur de Gabriel Nadeau-Dubois a indiqué qu’il était «tanné de se faire dire que les gouvernements n’ont pas d’argent» pour améliorer la société, et qu’il jugeait important de participer à l’espoir en faisant rayonner «de la joie» dans le discours des solidaires.
Le montage de TLMEP a surtout donné la parole à Ruba Ghazal, qui vient elle aussi de publier un livre: l’autobiographie Les gens du pays viennent aussi d’ailleurs.
La bande annonce du film «Les Furies», qui se targue d’être la première comédie sportive québécoise au féminin»
(Immina Films)
Ruba Ghazal – qui n’est pas née au Québec, mais au Liban, d’une famille musulmane – a rappelé qu’elle ne pipait pas un mot de français quand elle est arrivée au Québec – ou plutôt «au Canada» – en 88. Ce qui ne l’empêche pas de se sentir aujourd’hui «profondément québécoise».
Pour que davantage d’immigrants votent pour un éventuel «oui», il faut que «ces gens-là se sentent pleinement québécois», a-t-elle plaidé. Or, le plan identitaire du Parti québécois «exclut», a-t-elle dit.
Serge Denoncourt (qui a dit épouser la cause indépendantiste dimanche) a abondé dans le sens de Ruba Ghazal, car il a été témoin de la «violence» et du «racisme infinis» dont elle est souvent victime sur les réseaux sociaux.
QS pourrait-il néanmoins s’associer aux forces de Paul St-Pierre Plamondon, advenant un nouveau référendum? La diversité d’opinions au sein du camp du «oui» n’inquiète pas outre mesure les deux co-porte-parole de QS.
Gabrielle Côté (qui a incarné la détestable et «fendante» Laurence dans STAT) était «très contente» de pouvoir participer pour la première fois à cette émission dominicale qu’elle regarde religieusement, et «en pyjama».
«Gardienne de but au hockey» et «grande sportive» depuis l’enfance, Gabrielle Côté a grandi en regardant énormément des films sportifs»: des films où les personnages de filles «étaient toujours considérés comme une anomalie», soit qu’elles soient «moches» ou réduites au rôle de «sœurs fatigantes», regrette-t-elle. En opposition à quoi, elle est ravie de montrer des femmes qui «cassent les gueules» à l’écran.
Son long métrage Les Furies, dont la réalisation a été confiée à Mélanie Charbonneau, arrive au cinéma le 28 novembre. Le film repose sur une distribution impressionnante. Pour les comédiennes, «ç’a été un réel défi; on s’est fait de bons bleus», conséquences de quelques accidents mineurs.
Jean-Sébastien Girard l’a qualifié de «véritable feel good» qu’il aura plaisir à revoir chaque Noël.
Gabrielle Côté s’étonne, plus qu’elle ne s’en enorgueillit, d’avoir écrit la première comédie sportive féminine du Québec. Cette ex-mannequin s’est demandé à mi-voix si la société québécoise n’avait pas souffert d’une «sorte de misogynie internalisée».




