Des syndicats et groupes communautaires réunis pour une manifestation à Montréal

Des dizaines de milliers de Québécois sont descendus samedi dans les rues de Montréal, crécelles et klaxons à la main, pour faire part de leur colère contre le gouvernement Legault, à la veille de l’entrée en vigueur de la loi qui vise à modifier le droit de grève.
Réunissant syndicats et groupes communautaires, cette grande manifestation a commencé vers 13 h 30 au centre-ville, à partir de la Place du Canada.
La mobilisation, nommée « Dans la rue pour le Québec », a été organisée après un appel des neuf principales organisations syndicales afin d’exprimer leur mécontentement envers la réforme syndicale du gouvernement du Québec,
Elle a rassemblé les quatre centrales FTQ, CSN, CSQ et CSD, ainsi que la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) et le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec.
Et les syndicats n’étaient pas les seuls dans la rue. Cinq regroupements nationaux représentant 4500 organisations communautaires étaient également présents.
Ils reprochent notamment au gouvernement la multiplication des compressions dans les services publics ainsi que le sous-financement des programmes sociaux.
« Je suis ici pour défendre les droits des travailleurs et travailleuses, a déclaré Fernando Almaraz, employé dans le domaine de l’hôtellerie et affilié à la CSN. Le gouvernement est en train d’attaquer notre droit de grève […] ils sont en train d’attaquer notre cotisation syndicale », a-t-il dénoncé.
La FTQ rapporte qu’entre 150 et 200 autobus ont été nolisés. Des organisateurs ont même dû refuser des gens à bord des autobus. Ses syndicats affiliés Unifor et le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), par exemple, ont ajouté des autobus au contingent.
Selon la Fédération, une dizaine d’autobus pleins sont venus en soutien de l’Ontario, en plus de gens du Nouveau-Brunswick.
Le site de l’organisation de la manifestation rapporte des autobus venant de Matane, Rivière-du-Loup, Baie-Comeau, Sept-Îles, Gaspé, Tadoussac, Rouyn-Noranda, Trois-Rivières, Victoriaville et d’autres.
Au milieu du parcours, devant la place Frère-André, au centre-ville de Montréal, une installation de la CSN mettait en scène des caricatures du premier ministre, François Legault, et du ministre de Travail, Jean Boulet. Ainsi, deux hommes portant des masques plus grands que nature des têtes de M. Legault et de M. Boulet faisaient semblant de boxer sur les airs de la chanson Eye of the Tiger.
« On n’a jamais eu autant besoin du mouvement syndical qu’aujourd’hui […] C’est pour ça qu’on est ici, pour défendre aussi notre démocratie, qui est brimée par des lois liberticides, par des lois qui menacent la liberté d’expression », a déclaré la co-porte-parole de Québec Solidaire, Ruba Ghaza, qui a marché avec les travailleurs accompagnée d’une délégation de députés et de membres de son parti.
Le contingent s’est arrêté devant une scène installée à l’intersection des rues McGill et du Président Kennedy. La foule serpentait jusqu’à la rue Sainte-Catherine, bien au-delà du Centre Eaton et de l’avenue Union.
Vers 15 h, les dirigeants des neuf centrales ont pris la parole à tour de rôle pour dénoncer les coupures du gouvernement dans les services publics et les diverses mesures que le gouvernement est en train de prendre pour serrer la vis aux syndicats.
C’est la présidente de la FTQ, Magali Picard, qui a ouvert le bal. « Je le savais que vous seriez au rendez-vous. Et au gouvernement de la CAQ, surtout ne sous-estimez pas les Québécois et les Québécoises », a-t-elle scandé.
« Ce gouvernement au plus bas dans les sondages n’a trouvé rien de mieux à faire que de vous taper sur la tête », a lancé le président du SPGQ, Guillaume Bouvrette.
« Ce que vous dénoncez aujourd’hui, c’est un gouvernement qui veut s’ingérer quand vous prenez la parole contre les mauvaises décisions qu’il prend », a, quant à lui, déclaré le président de la CSQ, Éric Gingras.
« Virage à droite »
Les syndicats estiment que le gouvernement Legault « s’engage dans un virage à droite qui met en péril le Québec que des générations ont bâti ensemble ». Ils s’opposent vivement à deux pièces législatives déposées par le ministre Boulet.
La première loi, adoptée au printemps « visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lockout », entrera en vigueur dès dimanche. Elle permet notamment au ministre de mettre fin à une grève ou à un lockout s’il estime que le moyen de pression cause ou risque de causer un préjudice grave ou irréparable à la population.
Le gouvernement avait considéré devancer l’entrée en vigueur de la loi pendant la grève les préposés à l’entretien de la Société des transports de Montréal au début du mois de novembre pour forcer le retour au travail de ces employés. Pour ce faire, il fallait l’accord de tous les partis au Salon rouge, mais Québec solidaire s’y était opposé.
Dans une lettre ouverte publiée dans le Journal de Montréal, le ministre Boulet cite également la grève du cimetière Notre-Dame-des-Neiges en 2024 et celle dans le secteur de l’éducation en 2023 comme des exemples de conflits de travail qui ont nui au « bien-être de la population ».
« Je le réitère : la loi 14 n’est pas contre les syndicats. Elle repose sur une préoccupation centrale : le bien-être de la population », a écrit M. Boulet.
Le projet de loi 3, qui vise à ce que les syndicats rendent compte de leurs états financiers, est également dans la mire des centrales.
De plus, si le texte est adopté, les cotisations destinées à des fins sociales, judiciaires ou publicitaires deviendront conditionnelles à l’appui de la majorité des membres, ce que déplore Hélène Smeesters, enseignante en Estrie affiliée à la CSQ rencontrée à la manifestation.
« Ça va venir couper une partie des subventions de nos syndicats. Malheureusement, ça va couper la plus belle partie de ce que les syndicats font », a-t-elle expliqué. Mme Smeesters fait partie du Mouvement d’action collective en transition environnementale et sociale, subventionné par la CSQ (ACTES). Elle craint que cette initiative, qui vise à conscientiser les jeunes aux enjeux environnementaux, disparaisse avec l’adoption de projet de loi 3.
Lors de son passage mouvementé mardi en commission parlementaire dans le cadre de l’étude du projet, Mme Picard n’a pas mâché ses mots à l’égard du gouvernement, affirmant que la CAQ prenait un virage vers « l’extrême droite ».
Ces commentaires ont attiré plusieurs critiques, notamment celles du chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, qui a décidé d’annuler sa présence au congrès de la FTQ.
La présidente de la FTQ a défendu ses propos lors de sa brève allocution samedi. « À ceux et celles qui n’aiment pas mon ton, notre ton : mon ton va changer quand les attaques vont cesser », a-t-elle lancé devant la foule.
Avec les informations de Lia Lévesque



