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Chronique | Entre les chances des Rouges et des Bleus, un petit pont

Nos chroniqueurs Marc Cassivi et Alexandre Pratt analysent le tirage du tableau de la Coupe du monde de soccer – et l’interminable spectacle qui l’a précédé.


Publié à
5 h 00

Alexandre Pratt : Marc, après avoir récemment déclaré mon amour pour cette Coupe du monde XXL à 48 équipes, je t’ai senti aussi enthousiaste que devant une comédie romantique de Noël mettant en scène une jeune femme ambitieuse de la ville et un jeune homme dont la ferme familiale est en danger. Maintenant que nous connaissons la composition des groupes, es-tu plus convaincu ?

Marc Cassivi : Je vais te dire, j’ai aussi hâte au match Cap-Vert – Arabie saoudite en Coupe du monde qu’à ma prochaine visite chez le dentiste. C’est évident qu’à 48 équipes, on dilue le spectacle. Et se qualifier pour le Mondial relève moins de l’exploit. Curaçao, l’équivalent en termes de population de la région métropolitaine de Trois-Rivières, va perdre par combien de buts contre l’Allemagne, à ton avis ? Le désir incessant d’expansion de la FIFA est une atteinte à la qualité du jeu. Je veux voir les meilleurs dans une Coupe du monde. Pas toi ?

A. P. : Mais les meilleurs y sont tous ! Bon, sauf l’Italie, encore en attente, et pour qui la qualification pour la Coupe du monde semble maintenant relever de l’exploit. Plus de nations, plus de surprises. C’est ce qui fait la magie du premier tour ! Souviens-toi de la victoire des Saoudiens contre les Argentins, en 2022. Ou de celle des Sénégalais contre tes Bleus, en 2002. Tu étais sur place, d’ailleurs, non ? Je vois plein de bons candidats pour surprendre dans cette Coupe du monde : l’Algérie, le Ghana, l’Égypte… Aimes-tu les chances du Canada ?

PHOTO CARLOS BARRIA, REUTERS

Le premier ministre Mark Carney après avoir pigé le Canada lors du tirage au sort à Washington

M. C. : J’y étais, oui, en 2002 en Corée du Sud. Je me souviens de la liesse chez les mères des joueurs sénégalais ! Ce sera un match revanche à suivre. On aime bien sûr ce genre d’affiche. Ça fait deux fois de suite que les Italiens ne se qualifient pas pour le Mondial. Jamais deux sans trois ? J’espère que mon équipe de cœur y sera, même s’il s’agirait d’une mauvaise nouvelle pour le Canada. C’est une « petite » Italie, mais ça reste un adversaire coriace. Les Suisses forment un bloc défensif compact, difficile à pénétrer, mais ils sont certainement « prenables ». Et le Qatar s’est pris 24 buts dans la dernière phase des qualifications, le pire résultat parmi ses 17 concurrents asiatiques. Une victoire du Canada et une présence au deuxième tour sont très envisageables.

A. P. : Je partage ton enthousiasme. Le Canada ne peut quand même pas l’échapper contre le Qatar, battu récemment par des minous comme le Liban, le Zimbabwe et la Palestine ! Contre la Suisse, je suis moins optimiste. Au moins, les Rouges ne sont pas coincés dans un groupe de la mort, comme la dernière fois. Il faut dire que le nouveau format les avantageait ; ils n’avaient aucune chance d’affronter l’Angleterre, l’Espagne ou le Portugal au premier tour.

M. C. : Le Canada, cela dit, n’a jamais gagné un match de Coupe du monde ni même fait match nul. Bref, on ne vendra pas la peau de l’ours polaire…

PHOTO MANU FERNANDEZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le Canada a subi trois défaites en trois matchs à la Coupe du monde 2022, au Qatar.

A. P. : Quel est ton niveau de confiance envers les hommes de Didier Deschamps ?

M. C. : J’ai un mauvais pressentiment pour la bande à Didier, après ses deux finales consécutives. J’ai vu les Bleus en match de qualification, cet automne à Paris, face à des Islandais bien modestes. Malgré tout le talent des Français, ils n’arrivaient pas à s’imposer. C’est le problème d’avoir beaucoup de grosses pointures, qui ne s’accordent pas toujours. Erling Haaland a marqué 16 buts pour la Norvège pendant les qualifications, un nouveau record. Les Bleus auront de la baguette sur la planche… 

A. P. : À l’opposé, les États-Unis héritent d’un groupe très, très faible : le Paraguay, l’Australie et le gagnant d’un barrage entre la Turquie, la Roumanie, la Slovaquie et le Kosovo. Probablement un des pires quatuors de l’histoire de la compétition. Tout pour étirer le sourire de l’hôte en chef, Donald Trump, à qui la FIFA a remis vendredi une belle médaille en or et un joli certificat pour flatter son ego. Pardon, pour souligner son engagement en faveur de la paix dans le monde.

PHOTO STEPHANIE SCARBROUGH, AGENCE FRANCE-PRESSE

Trophée remis à Donald Trump par la FIFA lors du tirage au sort

M. C. : Sans oublier ce gros trophée doré qui ressemblait à un gâteau surdimensionné d’un artisan pâtissier peu doué, représentant une Coupe du monde qui aurait fondu au soleil. Toute cette obséquiosité de Gianni Infantino à l’égard de Donald Trump, qui prononçait son prénom « Johnny », c’était franchement gênant. Une cérémonie – interminable et malaisante – destinée à faire plaisir à Trump, qui a tout de même souligné « l’amitié » des États-Unis avec le Canada au moment de dévoiler les groupes des pays hôtes. Ce à quoi Mark Carney a répondu que cette Coupe du monde serait « la plus grosse affaire jamais conclue » (« It is going to be the biggest deal ever »). De la flagornerie, de la moquerie ou un peu des deux ?

A. P. : Dans le contexte de cette étrange cérémonie, j’ai trouvé sa réplique plutôt habile. Appelons cela un petit pont.

M. C. : Ou un sombrero ! Je retiens l’essentiel : le Canada a de réelles chances de progresser au-delà de la phase de groupes pour la première fois de son histoire, grâce à l’« avantage de la pelouse ». Surtout que son rang de 27e au classement de la FIFA, le meilleur de son histoire (pour ce que ça vaut), risque de lui être d’un précieux secours au moment de départager les meilleurs troisièmes, dans cette Coupe du monde qui fera le bonheur des amateurs de statistiques avancées. Je ne pense à personne en particulier…

Rectificatif
Dans une version préalable, les pays du barrage dans le groupe des États-Unis (le D) étaient ceux du barrage européen D, plutôt que ceux du barrage européen C. Nos excuses.

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