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Énergie et grosses cabanes | Un plafond pour freiner la surconsommation (2)

L’idée d’économiser l’énergie est noble et largement appuyée par la population. Mais comme toujours, bien des gens se braquent quand on évoque la facture plus musclée qui serait imposée à ceux qui surconsomment.


Publié le
5 décembre

Les récalcitrants trouvent alors toutes sortes de bonnes raisons pour être exemptés d’une telle politique, selon ce qui ressort de la multitude de courriels que j’ai reçus en lien avec ma chronique du 4 novembre1.

La chronique portait sur la suggestion de plafonner à 8000 kilowattheures (kWh) la consommation d’énergie électrique résidentielle de chaque citoyen. L’objectif proposé par le professeur Pierre-Olivier Pineau est d’économiser et d’éviter la construction de coûteux barrages ou de parc d’éoliennes qui déforment le paysage, notamment.

J’écris plafonner à 8000 kWh, mais en fait, les Québécois resteraient libres de consommer autant qu’ils veulent, tant à la maison qu’à leur chalet, mais ils devraient payer davantage passé le seuil de 8000 kWh, typiquement le nombre de kilowattheures d’un logement divisé par le nombre d’habitants. Ce seuil de 8000 kWh est la consommation résidentielle moyenne par Québécois, actuellement, l’une des plus élevées au monde.

Réaction de nombreux lecteurs ? Oui, mais que faites-vous des personnes âgées, M. Vailles, qui chauffent davantage et consomment plus que 8000 kWh ? Des habitants en région, où il fait plus froid ? Des gens qui vivent seuls ? Des propriétaires dont la maison est orientée au nord ? De ceux qui ont une voiture électrique ?

J’ai même eu un lecteur qui, face à une telle politique tarifaire hypothétique, plaint les parents aux prises avec des ados qui ne veulent pas baisser le chauffage de leur chambre…

Bref, lorsqu’il est question de prix et de société d’État, les mécontents demandent des exceptions pour tout.

Mais voilà, l’objectif d’un prix plus salé est justement de provoquer des changements de comportements pour que l’ensemble de la population en profite, au bout du compte.

Les exceptions devraient donc être très peu nombreuses. Oui, il pourrait y avoir un aménagement pour les moins nantis, et encore, ils sont rares parmi les surconsommateurs d’énergie, davantage l’apanage des plus riches. Mais non, Hydro-Québec et l’État n’ont pas à moduler les tarifs pour tenir compte de la position des maisons, de la vigueur des vents saisonniers et encore moins de la difficulté des parents avec leurs ados.

Nombre de lecteurs m’ont expliqué qu’ils seraient pénalisés, car vivant seuls ou à deux dans un bungalow depuis le départ des enfants. Les 12 000 kWh par personne dépassent donc le seuil de 8000 kWh, ce qu’ils trouvent injuste.

Ma réponse ? Il faut être lucide. Une personne seule qui vit dans un grand bungalow doit assumer son choix de consommer beaucoup plus d’énergie que son réel besoin, essentiellement pour le chauffage.

D’autant plus que l’énergie coûte au Québec beaucoup moins cher qu’ailleurs dans le monde, d’une part, et qu’il manque de logements, d’autre part.

Après quelques années, ce genre de seuil obligerait certaines gens à sous-louer une partie de leur bungalow, ce qui réglerait les deux problèmes (énergie et logement). À grande échelle, une telle politique inciterait à tenir compte de la réelle valeur de l’énergie et limiterait le gaspillage.

L’idée du professeur Pineau est assurément perfectible, je vous l’accorde. Certaines personnes seules proposent d’exclure un bloc de base du calcul, disons 3000 kWh par logement, ce qui fait qu’un logement qui consomme 11 000 kWh par année atteindrait le seuil des 8000 kWh. Ça se discute.

Autre aspect perfectible : la prise en compte des véhicules électriques, qui viennent gonfler la consommation résidentielle. Pourquoi pénaliser ceux qui contribuent à diminuer les GES, qui est l’objectif ultime ?

Idéalement, le plan Pineau devrait englober la totalité de l’énergie consommée par les résidants, à la maison comme sur la route, y compris l’essence, le gaz naturel et le mazout. Et c’est ce total qui devrait être pris en compte et deviendrait alors, possiblement, 12 000 kWh.

Hydro-Québec n’est pas favorable à un tel plafond, si l’on se fie aux entrevues données par la PDG Claudine Bouchard ces derniers jours. Elle privilégie les mesures incitatives, le bon vouloir des Québécois.

Certes, Hydro a proposé à la Régie de l’énergie une 3e tranche tarifaire pour les grosses cabanes qui consomment plus de 50 000 kWh (3 fois la moyenne), mais cette 3e tranche en 2027 n’ajoute que 0,4 cent par kilowattheure à la facture pour la portion qui excède 50 000 kWh. Cet écart représente donc seulement 3,4 % du tarif de 11,39 cents de la 2e tranche.

J’en conviens, le tarif de cette 3e tranche augmentera de quelque 5 % par année au cours des prochaines années comparativement à 3 % pour le reste, si bien que l’écart finira par être plus important d’ici 20 ans. Cette 3e tranche pourrait donc finir par augmenter la facture des grosses cabanes de quoi, 300 $ par année ?

Mais dites-moi, en quoi 300 $ de plus par année changeront-ils le comportement des riches propriétaires de châteaux visés, qui composent 1 % de la population ? Pour eux, c’est l’équivalent d’une « poignée de change », qui ne changera rien à leur comportement.

Pour limiter la gourmandise énergétique des grands surconsommateurs, il faudra beaucoup plus. Encore une fois, je le répète, l’objectif n’est pas d’empêcher quiconque de consommer quoi que ce soit, mais d’envoyer un signal de prix qui, imposé à tous, marquera de vrais changements.


1. Lisez la chronique du 4 novembre

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