Le Québec doit-il en finir avec l’électricité à bas prix?

Une hausse des tarifs d’électricité est inévitable au Québec. Cela dit, une réflexion doit être menée sur le système de tarification pour financer les investissements colossaux prévus par Hydro-Québec dans la prochaine décennie, explique l’Institut du Québec (IdQ) dans une étude parue mercredi.
« Quand on a une ressource rare, c’est une bonne chose qu’il y ait un prix qui reflète sa rareté. Comme ça, on l’utilise de façon judicieuse », affirme Alain Dubuc, auteur du rapport intitulé Un éléphant dans le compteur. Pourquoi une hausse des tarifs d’électricité sera inévitable… et souhaitable.
Historiquement, ce principe a suscité peu d’intérêt au Québec, qui a longtemps vécu dans l’abondance énergétique, poursuit le conseiller à l’IdQ. Or, « quand on sait que l’électricité est au cœur du processus de décarbonation, il va y avoir des besoins énormes. Donc, l’intelligence de l’utilisation devient importante. »
L’étude de l’IdQ commence par établir certains constats. Les Québécois sont parmi les plus grands consommateurs d’électricité au monde. Malgré cela, puisque les clients commerciaux et industriels d’Hydro-Québec paient leur électricité à un prix supérieur au coût, les clients résidentiels s’en trouvent subventionnés et ne paient qu’environ 82 % du coût de l’électricité qu’ils consomment. C’est le principe de l’interfinancement.
Ce faisant, les consommateurs domestiques reçoivent un mauvais signal de prix. « Un changement dans la façon dont le Québec aborde les enjeux de la tarification de l’électricité est souhaitable, lit-on dans le document. Une rupture avec la tradition de l’électricité à bas prix sera nécessaire pour la gestion optimale de la ressource, le développement des installations de production futures et la création d’une marge de manœuvre financière permettant de mener à bien les efforts de décarbonation de l’économie. »
Ce que permettrait une hausse de prix
Une hausse tarifaire serait « un outil efficace pour réduire la consommation », suggère l’étude. D’autant plus qu’Hydro-Québec prévoit investir près de 200 milliards de dollars d’ici 2035. « Une augmentation des prix contribue généralement à réduire la consommation. C’est ce que montre la théorie économique », écrit l’auteur.
Par contre, si une hausse de prix encourageait la sobriété énergétique, « le recours aux outils de prix doit être utilisé avec prudence, pour en limiter les impacts négatifs, ainsi qu’avec patience, parce que les interventions les plus porteuses s’inscrivent dans une perspective de long terme ».
Alors, comment entreprendre un changement de culture tarifaire ? L’étude n’émet pas de recommandation, mais plutôt des idées pour alimenter le débat public. Parmi les options avancées : mettre fin à l’interfinancement, avoir davantage recours à la modulation tarifaire selon la période de la journée et l’ampleur de la consommation, ou encore vendre l’électricité à un prix plus près de celui du marché.
Un débat sain
Le prix de l’électricité, au Québec, c’est plus qu’une considération financière, note André Dubuc. « C’est clair dans mon esprit que c’est une autre manifestation de la sacralisation de certains éléments de la Révolution tranquille. »
L’électricité est une ressource collective, ajoute-t-il. « Le choix des tarifs qui a été fait, traditionnellement, c’est de dire “comme ça appartient aux Québécois, on va redonner à tout le monde à travers des tarifs bas”. » En d’autres mots, les faibles tarifs constituent des avantages individuels. Mais dans l’esprit de la Révolution tranquille, les profits qui résultent d’un bien collectif devraient plutôt être utilisés de façon collective, par exemple pour financer la décarbonation, soutient M. Dubuc.
Pour mener un débat sain entourant la hausse des tarifs, selon M. Dubuc, il faut se rappeler qu’« il ne s’agit pas de surfacturer [le service aux] gens, mais simplement de les ramener à la normale », puisqu’en ce moment, plusieurs Québécois « ne sont pas au courant du fait qu’il y a une subvention indirecte qui fait en sorte qu’ils paient à peu près 82 % du vrai coût » de l’électricité.




