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Négociations avec les médecins | François Legault a perdu « toute crédibilité », affirme André Fortin

(Québec) Le premier ministre François Legault a perdu « toute crédibilité » dans le bras de fer qui l’oppose aux médecins, estime le chef parlementaire du Parti libéral du Québec, André Fortin.  


Publié hier à
20 h 01

Caroline Plante et Katrine Desautels

La Presse Canadienne

Après avoir tablé jusqu’ici sur des pénalités, M. Legault a réaffirmé mardi qu’il était prêt à leur offrir des « avantages financiers ».

« M. Legault nous a dit : “Moi, je vais aller jusqu’au bout, je vais faire ce qu’aucun gouvernement précédent n’était prêt à faire” […]. Et aujourd’hui, il nous dit : “Je présente des incitatifs financiers” », a relevé M. Fortin en point de presse, mercredi.

« M. Legault a perdu toute la crédibilité qu’il pouvait avoir dans ce dossier-là. […] Ses propos démontrent tout le ridicule de la démarche », a-t-il renchéri.

Les actions du gouvernement cet automne ont créé un « tort irréparable » à des milliers de patients et à des « régions entières, comme la mienne », a soutenu l’élu libéral de Pontiac, en Outaouais.

« Sa façon de parler aux médecins, son approche, c’est un tort qui va prendre des décennies à réparer, a-t-il argué. Pourquoi il a fait subir ça à des dizaines de milliers de Québécois ? C’est incompréhensible. »

Le gouvernement Legault a fait adopter la loi 2 sous bâillon le 25 octobre dernier. Cette loi change le mode de rémunération des médecins, leur impose des cibles de performance et les menace de sanctions s’ils se désengagent.  

Les fédérations médicales ont depuis entrepris des démarches pour la contester devant les tribunaux, alors que des centaines de médecins envisagent de quitter le Québec ou de fermer leurs cliniques.

Avant de s’éclipser pour laisser plus de place à la présidente du Conseil du trésor, France-Élaine Duranceau, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a tout de même annoncé qu’il reculait sur trois mesures prévues dans la loi.

Il s’est notamment engagé à ne jamais appliquer les dispositions de surveillance et de dénonciation des médecins, même si celles-ci demeurent toujours dans la loi.

Il aura fallu malgré tout que le premier ministre s’implique personnellement pour faire débloquer les discussions. Depuis vendredi, il se dit désormais ouvert à hausser la rémunération des médecins.

« Il y a des demandes qui sont faites. On est en train de les regarder. On souhaite qu’il y ait plus de Québécois qui soient pris en charge », a-t-il expliqué lors d’une courte mêlée de presse à l’Assemblée nationale, mercredi.

Interpellé sur la question des incitatifs financiers, M. Dubé a refusé de répéter les propos du premier ministre.

« La CAQ se rend compte que la rémunération ne fonctionne pas du tout dans son projet de loi, donc se voit obligée de trouver des voies de contournement pour pallier à ça », a dénoncé la députée péquiste Catherine Gentilcore.

« Là, ça passe par évoquer des bonis sur le côté. Ce n’est pas ça qu’il fallait faire. Il fallait s’assurer que […] le mode de rémunération soit adéquat d’emblée. Donc là, ils se retrouvent à essayer de « patcher », de mettre un diachylon sur le bobo.

« Le Parti québécois est très clair : on ne donnera pas plus d’argent aux médecins, il n’y aura pas d’augmentation de la rémunération des médecins », a-t-elle ajouté.

La cheffe parlementaire de Québec solidaire, Ruba Ghazal, a abondé dans le même sens.

« Ce n’est pas l’argent qui va régler le problème. Les médecins, […] ce qu’ils veulent, c’est avoir un système de santé avec des infirmières, avec des infrastructures pour leur permettre de […] soigner la population », a-t-elle dit.  

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La cheffe parlementaire de Québec solidaire, Ruba Ghazal

« Donc, ce n’est pas plus d’argent qu’on a besoin, c’est de retirer la loi 2. Il a déjà retiré son ministre […] des négociations. On a tous bien remarqué ça. Il a enlevé ses gants de boxe.

« Il aurait dû faire ça il y a très longtemps au lieu de se trouver dans une situation où c’est difficile. C’est les patients maintenant qui sont mal pris dans la situation actuelle », a-t-elle plaidé.

Une pétition de 66 000 noms

Par ailleurs, le libéral Marc Tanguay a déposé en Chambre mercredi une pétition de plus de 66 000 signatures réclamant l’abrogation de la loi 2.

Si rien n’est fait, elle entrera en vigueur telle quelle le 1er janvier 2026.

« Partout au Québec, c’est le chaos en santé. Des milliers de Québécois perdent leurs médecins parce que les cliniques et les groupes de médecine familiale ferment un après l’autre », a-t-il dénoncé en point de presse.

À ses côtés se trouvaient les initiateurs de la pétition – deux étudiants en médecine – qui ont témoigné du découragement qui perdure sur les bancs d’école et dans les milieux de soins.

Édouard Rochefort, étudiant en première année de médecine, a fait savoir que, même en début de ce long parcours académique, la loi 2 affecte le moral des troupes.

« Même en première année, ç’a des impacts notables sur notre motivation à être en médecine », a mentionné M. Rochefort.  

« Avec le dépôt de cette pétition, on montre qu’il y a beaucoup de personnes qui ne veulent rien savoir de cette loi-là et que les étudiants en médecine non plus ne veulent rien savoir de cette loi. »

Raphaëlle Lauzon est rendue à l’étape de l’externat dans son parcours, c’est-à-dire sa quatrième année d’étude en médecine.  

« Mes collègues et moi, on se remet beaucoup en question quant à nos plans de carrière en ce qui concerne la médecine familiale, surtout en raison de la loi 2 », a-t-elle déclaré.

« L’ambiance dans les hôpitaux, autant au niveau des étudiants en médecine comme moi, des médecins résidents ou même des médecins, c’est assez lourd, c’est tendu.  

« Plusieurs essaient de rediriger leurs pratiques en dehors du Québec et, dans un moment où on a de plus en plus besoin de médecins de famille, tout ce qu’on fait, c’est les éloigner de la pratique médicale au Québec », a-t-elle déploré.

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

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