Presbytères privés | Guilbault veut mettre fin à l’exemption fiscale

(Québec) La ministre Geneviève Guilbault sonnera la fin de l’exemption fiscale des presbytères privés après les révélations de La Presse selon lesquelles des pasteurs morts ou à la retraite, des délinquants sexuels ou des responsables d’églises dissoutes ou virtuelles bénéficient de congés de taxes.
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5 h 00
« Il y a des cas apparemment frauduleux », déplore la ministre des Affaires municipales en entrevue avec La Presse. « Mais même toute cette catégorie-là de presbytères privés, pour moi, c’est une iniquité fiscale historique, puis c’est quelque chose qui est révoltant pour le contribuable », lance-t-elle.
Geneviève Guilbault ne veut pas faire du cas par cas et entend « corriger le problème à la source » en retirant carrément de la Loi sur la fiscalité municipale l’exemption fiscale offerte aux presbytères privés, c’est-à-dire « la résidence principale » d’un « ministre » responsable d’un lieu de culte.
« La meilleure façon de mettre un terme à ça et d’envoyer un message clair aux contribuables du Québec qui paient tous 100 % de leurs taxes, [c’est de dire] que ça va être équitable pour tout le monde. Que tu sois ministre du culte ou non, tu vas payer l’entièreté de tes taxes municipales », tranche la ministre.
L’amendement à la loi sera déposé dans le projet de loi omnibus annuel de la ministre des Affaires municipales, après la reprise des travaux parlementaires en février. « On ne touche pas aux lieux de culte, on ne touche pas aux églises, on ne touche pas aux cimetières », nuance-t-elle.
Un lieu de culte, c’est un lieu à usage collectif, il y a un bénéfice collectif. Mais un presbytère privé, c’est une résidence pour une personne individuelle. […] Tu peux t’enregistrer une religion, tu te désignes ministre, et là, tu as une exemption fiscale. C’est purement toi comme individu qui en bénéficie, ce n’est pas les gens de ton culte.
Geneviève Guilbault, ministre des Affaires municipales
Pour l’heure, la Loi sur la fiscalité municipale prévoit deux types d’exemptions fiscales pour les presbytères :
- Si l’immeuble est détenu par une institution religieuse, il est exempté de toute taxe municipale ou scolaire. On parle ici de presbytère sur le terrain d’une église, par exemple.
- S’il est détenu ou occupé par un ministre du culte, il peut bénéficier d’une réduction de sa valeur imposable jusqu’à concurrence d’une valeur fixée à 340 500 $, l’équivalent d’un rabais annuel de 2000 $ à 4000 $ selon la municipalité.
C’est cette deuxième exemption que la ministre abolira.
La Presse a passé au crible plus de 600 résidences enregistrées en tant que « presbytères » selon les données ouvertes du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.
S’il est notoire que les lieux de culte, comme les églises, sont exemptés de taxes foncières et scolaires, peu savent que les résidences des « ministres » sont aussi protégées.
Oubliez les vieilles maisons vétustes à quelques pas d’une église ; ces « presbytères » prennent plutôt la forme d’unifamiliales de banlieue, de condos modernes ou encore de « maisons de ville » (en rangée). La résidence privée et le lieu de culte public peuvent être situés dans deux villes, voire deux régions différentes.
La Presse a identifié au moins une cinquantaine d’« hommes de foi » qui économisent des milliers de dollars en impôt foncier sans répondre aux critères de la loi. Au moins 20 dirigeants religieux à la retraite jouissent toujours d’exemptions sur leur propriété. Un pasteur qui a violé une fidèle de 13 ans continue même d’épargner des milliers de dollars chaque année en taxes sur sa résidence de Pointe-des-Cascades.
« Doublement choquant »
Ces révélations ont choqué la ministre qui a chargé dimanche ses équipes de lui fournir un état de situation. L’exemption fiscale des presbytères privés, mise en place en 1980, visait à l’époque à accorder une équité fiscale aux cultes qui n’hébergent pas eux-mêmes leurs ministres.
« Il y avait une bonne intention derrière ça, mais des gens l’utilisent en plus pour frauder. C’est doublement choquant », souligne Geneviève Guilbault, qui évoque également une « iniquité historique ».
Elle estime que les municipalités pourraient récupérer entre un et deux millions par année au total. « Ce n’est pas énorme, c’est le principe d’équité », plaide-t-elle. Cela leur enlèvera néanmoins un « fardeau » puisqu’elles doivent tenir un registre de cette exemption.
Le maintien des exemptions peut être dû à un oubli, à une tromperie, à une méconnaissance de la loi ou au laxisme des évaluateurs. La lenteur de la bureaucratie explique aussi certaines incohérences ; la loi oblige les villes et les MRC à vérifier l’exactitude des données inscrites au rôle au minimum tous les neuf ans.
Lisez notre dossier « Grâce fiscale pour “faux” presbytères »




