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Les élans sonores du Trio Tetzlaff

Le Trio Tetzlaff-Tetzlaff-Dörken, était en concert, mercredi, à la salle Bourgie, défendant un programme admirable allant de Mozart (Trio K. 542) à Tchaïkovski, en passant par Mendelssohn. Les élans passionnés des musiciens ont subjugué les spectateurs.

L’information majeure est l’enregistrement de cette bouleversante et exceptionnelle soirée par Medici.tv et, donc, la possibilité pour les mélomanes, partout, d’y accéder sous peu ou de la revivre.

Tetzlaff-Tetzlaff-Dörken est la dénomination officielle de la formation que nous appellerons le Trio Tetzlaff, puisque composé du grand violoniste international Christian Tetzlaff et de sa sœur violoncelliste Tanja, qui ont accueilli la jeune pianiste Kiveli Dörken après le décès de leur partenaire et ami Lars Vogt, en septembre 2022.

Force des entrailles

Le choix d’une élève, d’une jeune inconnue (du moins hors Allemagne), pour remplacer un pianiste qui faisait autorité, aux côtés d’un violoniste vedette, est une grande surprise. Mais, dans les faits, Kiveli Dörken apporte exactement ce qu’il convient au groupe, avec une sorte d’élan naturel, une force motrice et un art du dialogue qui ne cherche pas midi à quatorze heures. Si les Teztlaff avaient choisi un « nom », ce dernier aurait voulu « prouver » qu’il était digne de succéder à Lars Vogt ; il (ou elle) aurait voulu interpréter ou mettre sa petite touche. Et c’est exactement ce qu’il ne fallait pas.

Il fallait plutôt, et le concert l’a montré, mercredi soir, notamment dans Mendelssohn et Tchaïkovski, garder une « Urkraft », une force venant des entrailles. Car, pas plus que dans Bach, Christian Tetzlaff n’est là pour minauder ou « faire joli » ; il est là pour architecturer les œuvres et pour bâtir des arches sonores en explorant un large ambitus dynamique.

Ce que l’on retient donc de ce concert est donc à la fois l’immense concentration (aussi de la part du public, qui, conscient de la présence des caméras, a été exemplaire) et la générosité des élans sonores. Ainsi dans le Trio de Tchaïkovski, chef-d’œuvre suprême, il ne s’agit pas tant de ciseler des variations que de, certes, les sculpter, mais en gardant une cohésion d’ensemble qui ramènera inévitablement le thème, bouleversant, du Pezzo elegiaco.

La tension et la densité émotionnelle atteinte par cette œuvre suprême quand on ne surjoue pas la sueur et les larmes est une lame de fond. Tout cela était admirablement amené par Mozart et Mendelssohn, Mendelssohn surtout, mais le Trio de Tchaïkovski a tellement « renversé la table » qu’on nous pardonnera d’avoir focalisé notre commentaire sur lui. Nous aurions aimé que la pianiste puisse avoir le temps (le Trio jouait hier soir à Toronto) ou la curiosité de s’intéresser au piano ancien de la salle pour la 1re partie et de réserver de Steinway pour Tchaïkovski. Car la sonorité du piano entendu la semaine dernière avec Kristian Bezuidenhout accompagnant Anne Sofie von Otter dans Schubert s’imposait dans Mozart, assurément, et même dans Mendelssohn.

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