Elle quitte son GMF: «La personne qui peut décider de ma performance, c’est mon patient»

Une médecin de famille de Drummondville qui cumule près de 20 ans d’expérience dans son domaine a récemment fait le choix déchirant de quitter son groupe de médecine familiale et ses 1583 patients, afin de pouvoir s’assurer d’offrir des soins de qualité et préserver le lien unique entre un soignant et chacun de ses patients.
La réflexion de la Dre Anne-Marie Morin ne date pas d’hier. Dans les dernières années, elle a constaté que les réformes et les contraintes dans le système de santé étaient de plus en plus déconnectées de la réalité du terrain. La négociation actuelle entre les médecins et le gouvernement ainsi que l’ingérence administrative de plus en plus lourde dans leur pratique sont la goutte de trop.
«C’est là que je suis tombée en rupture complète de valeurs. La personne qui peut décider de ma performance, c’est mon patient», fait valoir la Dre Morin.
Elle ira pratiquer en tant qu’omnipraticienne au sein des Forces armées canadiennes et en pédiatrie sociale. Elle dit quitter le «système de performance» qui ne peut se conjuguer avec des soins de qualité.
«Je sentais de moins en moins le lien entre le soignant et le soigné. Et c’est ça, le moteur de la médecine», poursuit-elle.
Quitter son milieu n’a pas été facile, mais l’arrivée de nouveaux médecins au sein de son GMF lui a donné l’opportunité de le faire.
«Le deuil de laisser mes patients devenait moins douloureux, car je savais que je pouvais en laisser une grande partie à de nouveaux médecins», explique-t-elle.
Chute de salaire
Ce choix de vie entraînera une chute drastique de son salaire. Il diminuera presque de la moitié, indique la Dre Morin.
«C’est toute notre vie familiale qui va être bouleversée», explique-t-elle.
Elle se désole de voir «l’écran de fumée monétaire» qui fait de l’ombre au vrai problème, soit l’offre de soins de qualité.
«Ça ne se peut pas, que l’on soit en 2025 et qu’on ait réussi à convaincre une population que les gens qui prennent soin d’eux le font pour de mauvaises raisons, par détachement, pour des raisons qui sont pécuniaires, alors que ce n’est pas ça du tout», insiste-t-elle.
Dans une perspective plus personnelle, elle se dit sereine face à ce nouveau chapitre professionnel au sein des Forces.
«J’ai été fascinée par leur façon de penser, de fonctionner. Ça demande une ouverture, car je n’ai plus de repère, mais je suis contente. Je redeviens ce que j’étais: un soignant» laisse-t-elle tomber.
Au lendemain de l’imposition d’une loi spéciale, elle constate que plusieurs médecins manifestent l’intérêt d’aller pratiquer à l’extérieur du Québec. Des «pépites» dont la province aurait grandement besoin partiront, souligne-t-elle. La CAQ a annoncé vendredi qu’il pourrait y avoir des sanctions pour les médecins qui voudraient partir vers une autre juridiction, comme l’Ontario.
À son avis, forcer les médecins à avoir les yeux «sur une cible ministérielle» plutôt que sur le patient et les soins est inacceptable.
«C’est trop. Il y a une ligne qui a été franchie et qui était infranchissable», termine-t-elle.
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