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Famille Habsbourg | Un trésor mythique était caché au Canada et y restera

On les croyait disparus, possiblement volés, ou retaillés puis revendus sur le marché noir, à jamais irrécupérables. Eh bien, non. Les bijoux mythiques de la famille Habsbourg sont toujours bien en vie : ils dormaient depuis près de 85 ans dans une banque… canadienne.


Publié le 7 novembre

Cette histoire complètement folle a été révélée jeudi par le New York Times, à la demande des descendants Habsbourg. Le jour même, la famille a tenu à faire le suivi auprès des médias québécois, pour annoncer publiquement que ce trésor resterait au pays, un prêt à long terme visant à témoigner sa gratitude pour services rendus.

« C’est notre façon de dire à quel point nous sommes reconnaissants envers le Canada, envers les Canadiens, d’avoir accueilli [notre] grand-mère qui a trouvé refuge chez vous pendant la Seconde Guerre mondiale », expliquent par Zoom les archiducs Lorenz et Simeon von Habsburg-Lothringen, deux petits-fils de Zita de Bourbon-Parme (1892-1989), descendante de Louis XIV et dernière impératrice d’Autriche-Hongrie.

PHOTO FOURNIE PAR TOM BECKER

Lorenz (à droite) et Simeon von Habsburg-Lothringen, aussi connus sous le nom de Lorenz d’Autriche-Este et Simeon d’Autriche, respectivement fils de Robert et Rodolphe, 2e et 6e enfants de Charles et Zita

Lorenz et Simeon von Habsburg-Lothringen ne sont pas en mesure de dévoiler la valeur pécuniaire de leurs bijoux, qu’ils disent inestimable, ni de révéler le nom de la banque où ils étaient entreposés, « question de discrétion et de sécurité », soulignent-ils.

Mais ils acceptent de nous dire ceci : le lot comprend très exactement 14 pierres précieuses « assez substantielles ». Du lot, le mythique Florentin, diamant de 137,27 carats avec 126 facettes (un diamant de 1 carat peut valoir jusqu’à 40 000 $). Ce bijou historique n’est pas seulement reconnu pour sa forme de poire et sa teinte jaune, mais aussi pour son histoire fastueuse.

Avant d’être la propriété des Habsbourg, il aurait appartenu à Charles le Téméraire (1433-1477), à la famille Médicis, puis transité par Marie-Antoinette, Napoléon, voire l’impératrice Sissi (quoique cela reste à démontrer), puis enfin le dernier couple impérial d’Autriche-Hongrie, Charles 1er et sa femme Zita.


Lisez notre dossier sur l’impératrice Zita

Un secret bien gardé

Les joyaux de la couronne ont officiellement été portés disparus en 1922. Ils faisaient depuis l’objet de moult spéculations, dignes des meilleurs romans policiers. On savait que Charles 1er les avait mis en sécurité dans une banque suisse en 1919 après l’effondrement de la monarchie autrichienne, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Mais après, on avait perdu leur trace. Avaient-ils été volés ? Perdus ? Revendus ?

On comprend aujourd’hui qu’ils ne s’étaient jamais volatilisés. Ils avaient tout simplement été entreposés en secret dans une banque canadienne par Zita, femme de Charles 1er, au moment où elle vivait à Québec – ce qui laisse d’ailleurs supposer que ladite banque était située au Québec, voire dans la Vieille Capitale même.

Que faisait l’impératrice chez nous ? Longue histoire qu’on vous résume en trois lignes : après la Première Guerre mondiale, le couple impérial déchu a vécu en exil dans plusieurs pays européens. Fuyant la menace des nazis qui avaient lancé un mandat d’arrêt contre les Habsbourg, Zita – entre-temps devenue veuve – va trouver refuge à Québec avec ses enfants, choix motivé par le côté européen et catholique de la ville.

PHOTO NASUNA STUART-ULIN, FOURNIE PAR LA FAMILLE HABSBOURG

Le diamant florentin, dont la pièce centrale est le gros diamant jaune en forme de poire

Elle y restera de 1940 à 1948. Pour la petite histoire, la famille s’installera à la Villa Saint-Joseph, à Sillery, détail non anodin, puisque c’est le nom que les héritiers Habsbourg ont donné au trust canadien qui s’occupera de gérer et de mettre en valeur les bijoux retrouvés.

Zita n’aurait mis que deux de ses fils dans la confidence. Selon Lorenz et Simeon, elle leur avait demandé d’attendre 100 ans après la mort de son mari, en 1922, pour divulguer l’information. Une exigence motivée par la prudence, estime Simeon : « L’Autriche ne s’est libérée qu’en 1955. Tous les pays d’Europe centrale qui appartenaient à l’empire austro-hongrois étaient devenus des satellites communistes de Moscou. Vous pouvez donc imaginer que ma grand-mère était très sceptique quant à la situation politique en Europe. »

PHOTO TIRÉE DE WIKIPÉDIA

Charles Ier, empereur d’Autriche, l’impératrice Zita et leur fils Otto

Le secret s’est ensuite transmis discrètement dans la famille. « L’idée était que moins les gens savent, plus la chose est protégée », explique Lorenz. C’est seulement à un âge avancé que les enfants de Charles et de Zita ont mis leurs propres héritiers au courant. D’après Lorenz et Simeon, les descendants de la famille Habsbourg auraient ensuite décidé collectivement que ce patrimoine unique resterait au Canada. Fait intéressant : la famille a dû solliciter l’expertise de bijoutiers autrichiens pour attester de l’authenticité des pierres précieuses, avant de faire l’annonce de leur existence.

Réclamés par l’Autriche, convoités par Québec

Pour l’Américain Charles A. Coulombe, auteur du récent livre Zita : Empress of Austria and Queen of Hungary, la réapparition du trésor des Habsbourg est une « surprise très plaisante ».

Cet expert de la monarchie croyait, comme beaucoup de gens, que les bijoux – dont le diamant florentin – avaient été volés par un banquier suisse dans les années 1920. Son ravissement est d’autant plus grand que ni Charles ni Zita n’ont vendu des parties de leur trésor, alors qu’ils ont vécu dans des contextes difficiles pendant leur exil, tout particulièrement Zita qui, selon la rumeur, devait manger des pissenlits lors de ses années de relative précarité à Québec.

Ce qui est évident, c’est qu’ils ne considéraient pas ces objets comme leur propriété personnelle au sens où ils auraient pu simplement les vendre. Ils les considéraient comme un bien appartenant à leur pays et à leur peuple, comme une responsabilité sacrée.

Charles A. Coulombe, expert de la monarchie

Ce qui amène d’ailleurs d’autres questions. Jeudi, en réponse à l’article du New York Times, le vice-chancelier et ministre de la Culture autrichien Andreas Babler a annoncé un « examen immédiat » pour déterminer si le diamant florentin appartenait à l’État autrichien. « S’il s’avère qu’il appartient à la République d’Autriche, j’entamerai la procédure de restitution du joyau », a déclaré M. Babler, ajoutant que son bureau était déjà en contact avec l’ambassade d’Autriche au Canada.

Interrogés sur ce point, les deux archiducs sont formels : le diamant florentin et les autres joyaux sont la propriété privée de la famille Habsbourg. L’Autriche pourrait-elle les réclamer ? « Je ne crois pas, car la situation est très claire, répond Simeon. D’ailleurs, ce diamant en particulier n’a pas seulement été en Autriche, il a aussi été à Florence, en Bourgogne pendant 200 ans, au Canada pendant 85 ans et il provient probablement de l’Inde. On le définirait donc plutôt comme un patrimoine mondial. »

Il reste à voir où ces pierres précieuses seront mises en valeur au Canada. Jeudi, le gouvernement du Québec n’a pas tardé à démontrer son intérêt pour cette « histoire véritablement unique qui unit le Québec à la famille Habsbourg ».

Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a indiqué par voie de communiqué être déjà en train de travailler avec le Musée national des beaux-arts du Québec « afin de trouver un moyen pour que ces bijoux puissent être exposés et accessibles au public ».

Quel que soit le lieu choisi au bout du compte, les enjeux de sécurité seront très élevés, comme en témoigne le récent cambriolage au Louvre qui a passionné la planète entière…

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