“Que soient dites toute l’histoire et les douleurs des familles” : l’émotion des proches des “Malgré-nous” avant la cérémonie d’hommage aux Invalides

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Publié le 11/11/2025 11:37
Mis à jour le 11/11/2025 11:43
Temps de lecture : 4min
On estime à 130 000 – 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans – le nombre de “Malgré-nous” enrôlés de force en Allemagne pour la guerre de 39-45. (CEDRIC JOUBERT / MAXPPP)
Oubliés de l’histoire, des soldats d’Alsace et de Moselle, annexées en 1940, qui ont été incorporés de force dans l’armée allemande, vont faire l’objet d’un hommage appuyé de la Nation, mardi.
Un hommage très attendu. Emmanuel Macron préside, mardi 11 novembre, la cérémonie de commémoration du 107e anniversaire de l’Armistice de 1918 à l’Arc de Triomphe. Et, à l’Hôtel national des Invalides, le chef de l’État va également dévoiler une plaque pour rendre hommage aux soldats alsaciens et mosellans incorporés de force en Allemagne et tombés pendant la Seconde guerre mondiale. Une cérémonie suivie de très près par les descendants de “Malgré-nous”.
Parmi eux, Thomas Alfred, 65 ans, a passé plusieurs années à retracer le parcours héroïque de son grand-père. “C’est extraordinaire d’en arriver là. Un geste incroyable de mettre ça aux Invalides, la reconnaissance des incorporés de force…, se réjouit-il. Que les gens entendent et comprennent, une fois pour toutes, que tous ces gens-là qui sont morts, ils sont morts pour sauver leur famille. Et ce sont des Français, des Français qui ont été annexés, qui n’ont rien demandé.”
“Ils n’ont rien demandé.”
Thomas Alfred, descendant d’un “Malgré-nous”
à franceinfo
Son grand-père, Gustave-Lucien Risser, fait partie de ceux “qui n’ont rien demandé”. L’homme a d’abord combattu pour l’armée française, avant l’annexion de l’Alsace-Moselle en 1940.
Sa vie bascule le 19 avril 1943, quand les soldats allemands débarquent chez lui, dans son petit village alsacien, dans la vallée de Munster. “Et devant sa femme et ses enfants, la question était très simple : ‘Voilà, on vient vous mobiliser. Vous avez deux solutions : la première, vous acceptez et tout se passe bien. La deuxième, vous refusez et, soit on s’occupe de votre famille’. Et c’est fusillade directe et sur place, ‘soit on les déporte en camps de concentration.’ Moi comme lui ou lui comme moi, j’aurais fait la même chose : pour préserver sa famille, ses enfants, il a accepté”, raconte son petit-fils.
Gustave-Lucien Risser est donc envoyé sur le front russe où l’armée allemande est en grande difficulté. Quelques mois plus tard, le 29 septembre 1943, il a une permission de quelques jours et rentre chez lui. Sa fille, qui ne l’avait encore jamais vu avec l’uniforme allemand, se cache sous la table “tellement elle avait peur de lui à cause des bottes et de l’uniforme qu’il avait sur lui. Et donc elle a eu tellement peur de son propre père qu’elle s’est cachée sous la table. Elle ne voulait même pas l’embrasser ni aller dans ses bras.” Il repart sur le front russe près de Kiev, en Ukraine.
Et, sentant une mort certaine, il s’enfuit lors d’un déplacement de sa compagnie en pleine nuit, en plein hiver. Il est arrêté par l’armée rouge, envoyé dans un goulag dans des conditions extrêmes et y meurt des suites d’une maladie, le 27 février 1944.
Cette histoire, le petit-fils du soldat a mis des années à la reconstituer. “Dans la famille, on en parlait très peu, regrette Thomas Alfred. Ma grand-mère, bien sûr, qui était son épouse, elle n’en parlait pratiquement pas. Et lorsque je posais des questions à ma mère à l’époque, elle essayait toujours de me dire ‘bon bah il est parti à la guerre et puis il n’est jamais rentré en Russie, il n’est jamais rentré.'”
C’est cette chape de plomb, ce tabou que de nombreux descendants de “Malgré-nous” espèrent désormais voir tomber. “Si c’est une plaque pour mettre une plaque, ça ne suffira pas, avertit Thomas Alfred. C’est bien, c’est très bien, mais il faut que, derrière, il y ait quelque chose, un beau discours, que soient dites toute l’histoire et les douleurs des familles. Il faut en parler de ça. Il faut que ces choses-là, elles continuent leur chemin et qu’on sache et qu’on en parle.”
Comme l’explique l’Élysée, “cette cérémonie permettra de rendre hommage à ces soldats alsaciens et mosellans incorporés de force conformément à la volonté du chef de l’État de reconnaître et d’enseigner la tragédie des “Malgré-nous”.




