Le Canadien | Et Jacob Fowler arriva dans la tempête

C’était jour de tempête à Montréal, mercredi – et pas juste dehors.
Publié à
6 h 00
Dans la mêlée de presse de Martin St-Louis, les questions des journalistes se succédaient comme des flocons indisciplinés. C’est que le Canadien se retrouve dans une controverse de gardiens de but après avoir rappelé Jacob Fowler pour freiner l’hémorragie de buts dans laquelle Jakub Dobeš et Samuel Montembeault sont en train de se noyer.
Fowler, 21 ans, est un des joyaux de l’organisation. Celui que les prophètes vénèrent comme l’élu qui protégera les buts du CH lors de la prochaine conquête de la Coupe Stanley. Je vais laisser mes superlatifs au chaud pour une autre occasion. Ce qui m’intéresse, c’est plutôt le moment choisi pour son rappel.
« C’est un calendrier assez chargé, a expliqué l’entraîneur-chef Martin St-Louis. On savait qu’à un point [de la saison], on voulait voir où était rendu Fowler dans son développement. Il vient avec nous en voyage. On verra s’il va jouer. »
Que le Canadien accorde quelques matchs dans la Ligue nationale à ses meilleurs espoirs pour évaluer leur progression, soit. Il l’a d’ailleurs fait récemment avec le défenseur Adam Engström. Mais restons lucides : la priorité de l’équipe n’est plus de multiplier les essais avec ses jeunes pépites, comme aux premiers temps de la reconstruction.
Pas après avoir convaincu ses vedettes de signer des contrats au rabais.
Si j’étais un de ces vétérans, je m’attendrais à ce que mon sacrifice permette à la direction de s’attaquer aux faiblesses de l’équipe, comme elle l’a fait l’été dernier avec l’acquisition de Noah Dobson.
Les patrons ne peuvent pas rester les bras croisés devant les insuccès défensifs du club. Ce serait rompre avec le contrat moral qu’ils ont établi avec leurs leaders.
Donc si Fowler est déjà avec le grand club, c’est d’abord et avant tout parce que ça va mal. Le Canadien vient d’être déclassé trois fois en dix jours, contre le Lightning de Tampa Bay, les Sénateurs d’Ottawa et l’Avalanche du Colorado. Si la liste des joueurs pris en défaut peut être aussi longue que celle d’un enfant de 6 ans envoyée au père Noël, il reste que tout en haut, il y a deux noms écrits plus gros que les autres.
Ceux des deux gardiens.
Jakub Dobeš est doué, mais parfois erratique et trop souvent inconstant. Samuel Montembeault, lui, semble malheureusement perdu. Dommage, après sa formidable séquence de l’hiver dernier. Tant de buts donnés sur le premier tir, ce n’est plus anecdotique. C’est le reflet d’une confiance ébranlée.
Leurs statistiques individuelles les font mal paraître. Surtout celle des buts sauvés. Selon l’algorithme de Natural Stat Trick, basé sur la qualité et la provenance des tirs, Dobeš et Montembeault donnent beaucoup plus de buts qu’ils ne le devraient.
Buts accordés en trop
- Blues de St. Louis : 17
- Sénateurs d’Ottawa : 12
- Canadien de Montréal : 9
- Oilers d’Edmonton : 8
- Predators de Nashville : 7
Note : La différence entre les buts réels et les buts projetés, toutes situations de jeu
Source : Natural Stat Trick
Ils ne sont évidemment pas les seuls responsables. Martin St-Louis a expliqué mercredi que son équipe manquait de constance devant ses gardiens. « Notre jeu collectif devant [eux] devrait nous mettre dans de bien meilleures situations que ce qu’on a vu récemment. On ne le fait pas assez constamment. Des fois, ce sont trois, quatre minutes. Des fois, 35 secondes. Il y a une ligne fine entre gagner et perdre dans cette ligue-là. »
Depuis 10 jours, les attaquants et défenseurs du Canadien ont perdu plusieurs couvertures dans l’enclave. C’était particulièrement frappant contre les Sénateurs, la semaine dernière. Sauf que dans l’ensemble, le jeu collectif du club en défense n’est pas désastreux. Les chances de marquer à haut potentiel de l’adversaire ? Dans la moyenne. Les tirs cadrés des rivaux à quelques pieds du demi-cercle ? Dans la moyenne aussi. La différence avec les autres équipes, c’est la performance des gardiens du Canadien contre ces tirs.
Les meilleurs gardiens de la ligue cette saison, comme Logan Thompson et Ilya Sorokin, arrêtent entre 85 % et 88 % des tirs les plus dangereux dirigés vers eux. Dobeš ? 80 %. Montembeault ? 73 %. Par rapport à la saison dernière, l’efficacité des deux portiers du Tricolore chute sur presque tous les tableaux.
Les gardiens du Canadien
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GRAPHIQUE PRODUIT PAR NHL EDGE
Les taux d’efficacité de Samuel Montembeault en 2025-2026
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GRAPHIQUE PRODUIT PAR NHL EDGE
Les taux d’efficacité de Samuel Montembeault en 2024-2025
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GRAPHIQUE PRODUIT PAR NHL EDGE
Les taux d’efficacité de Jakub Dobeš en 2025-2026
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GRAPHIQUE PRODUIT PAR NHL EDGE
Les taux d’efficacité de Jakub Dobeš en 2024-2025
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Voilà pourquoi Jacob Fowler fera le voyage avec le Canadien cette semaine.
Le jeune Américain n’arrive pas dans des conditions optimales. La formation traverse une grande période d’instabilité. Dans le dernier mois, l’équipe a intégré ou rappelé neuf joueurs : Alexandre Texier, Florian Xhekaj, Jared Davidson, Owen Beck, Adam Engström, Joshua Roy, Kaapo Kähkönen, Marc Del Gaizo et Fowler – les trois derniers n’ont pas joué de match. Ça fait beaucoup de va-et-vient. Imaginez si, au bureau, vous aviez accueilli neuf stagiaires dans votre unité depuis le début de novembre. Forcément, il y aura une période d’adaptation de part et d’autre.
« Fowler n’arrive pas ici comme un sauveur », a d’ailleurs prévenu Martin St-Louis.
Même si c’est assurément ce que souhaitent les partisans. Mais espérer que Fowler relancera à lui seul une équipe instable grâce à des performances patrickroyales, c’est mettre beaucoup de pression sur les épaulettes d’un choix de troisième tour qui n’a joué que 26 matchs chez les pros.
Aussi bon soit-il.



