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Happé par un autobus scolaire | « Donner un sens » à la mort de son fils

Pierre Boutin lance une bouteille à la mer. Après avoir perdu son fils de 13 ans, happé mortellement par un autobus scolaire il y a quelques années, il souhaite offrir son aide aux parents d’une adolescente victime d’une tragédie similaire, il y a deux semaines.


Publié le
7 décembre

Le drame a secoué un quartier résidentiel de Laval, le 20 novembre dernier. Devant ses camarades de classe, une adolescente a péri, happée par son autobus scolaire, duquel elle venait de descendre.

L’adolescente avait 13 ans. Le même âge que Jules Boutin, mort il y a six ans, à la suite d’une collision avec un autobus scolaire, à Sainte-Agathe-des-Monts.

« Quand j’ai vu les circonstances de l’évènement, j’ai figé : c’est presque la même chose », évoque son père, Pierre Boutin.

Le père attendait son fils dans sa voiture, à la sortie des classes, le 12 septembre 2019. Ils devaient faire des emplettes en vue d’une fin de semaine de vélo de montagne.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Jules Boutin est mort après avoir été happé par un autobus scolaire près de la polyvalente des Monts, à Sainte-Agathe-des-Monts.

Jules n’est jamais venu. La coroner déterminera plus tard que la peinture de la traverse piétonne de l’intersection était effacée. Que la conductrice était en retard sur l’horaire prévu. Qu’elle ne s’est pas arrêtée, bien qu’elle ait eu l’impression de heurter quelque chose.

Tu essaies d’encaisser le coup. Ça prend un certain temps pour que toutes les cellules de ton corps arrivent à comprendre que c’est fini. Que Jules est parti, pour toujours.

Pierre Boutin

Pour les parents de Jules, une longue période de questionnement débute. Un deuil s’entame. Ils prennent un an d’arrêt de travail. Déménagent. Finiront par se séparer et partager la garde de leur fille Paule, de trois ans la cadette de Jules.

« J’avais une blonde que j’aimais. De beaux enfants en santé, une famille super heureuse avec laquelle on voyageait. Jules est décédé, puis un an et demi plus tard, je me trouve seul, dans un quatre et demie, à voir ma fille une semaine sur deux », ressasse-t-il. « Je me suis longtemps demandé quel était le sens de la vie. Comme père, je l’avais trouvé. J’ai dû tout reconstruire. »

Un sens

Accablé par la solitude et la tristesse, Pierre touche le « fond ». « Ça m’a amené à me demander ce que je voulais faire, avant de mourir. J’ai trouvé : aimer et aider les autres à aimer », confie-t-il.

Depuis trois ans, Pierre Boutin « donne un sens » à la tragédie qu’il a vécue. Il passe tous ses lundis à offrir du soutien individuel à des personnes endeuillées, en plus d’animer des séances de groupe pour l’organisme Palliaco. Il accompagne aussi des personnes en fin de vie.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE DE JULES BOUTIN

Jules Boutin

Le deuil ne disparaît jamais complètement, leur apprend-il. Il se transforme. Encore aujourd’hui, Pierre parle souvent à Jules. Il lui raconte sa journée. Imagine ce qu’il serait devenu.

Jules aurait 19 ans aujourd’hui.

Je ne pourrai plus jamais le serrer dans mes bras, lui dire que je l’aime. Je crois que sa conscience est encore là, quelque part.

Pierre Boutin

Son regard se perd, les larmes coulent sur ses joues.

« Parfois, je me console en me disant qu’il n’a peut-être pas vécu longtemps, mais au moins, je pense qu’il a été heureux », souffle-t-il.

Main tendue

Quelques jours après avoir happé son fils, la conductrice de l’autobus a retrouvé son volant. Elle n’a offert aucune excuse, aucunes condoléances à la famille endeuillée, à la déception de Pierre Boutin.

« Je ne lui en veux pas », assure le père. « J’aimerais simplement la rencontrer pour l’aider à traverser son deuil. »

La mort de Jules était « évitable », a tranché la coroner. En 2023, le transport scolaire a connu 320 collisions, survenues lorsque des élèves montaient d’un autobus scolaire ou en descendaient, ou lorsqu’un véhicule dépassait un autobus à l’arrêt ou dont les feux clignotaient, selon l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ).

Les conducteurs sont « déresponsabilisés », dénonce le père de Jules, et la population, désensibilisée à la sécurité piétonnière. « Quand un piéton meurt, on a l’impression qu’un chien ou un chat écrasé ferait la même histoire », dénonce-t-il.

Pierre Boutin vit toujours sa tristesse. Mais jamais l’amertume ne l’a habité. S’il va bien aujourd’hui, c’est notamment parce qu’il a participé à des rencontres individuelles et de groupe pour faire partager son deuil.

Aux parents de l’adolescente de Laval qui a péri, il tend la main.

« C’est la fin de ton monde, quand tu perds un enfant. Ils ne veulent certainement pas l’entendre, mais ils retrouveront un sens à leur vie. Ils en reprendront le goût. J’espère simplement qu’ils trouveront l’aide dont ils ont besoin », conclut-il.

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