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“J’ai compris plus tard ce que j’avais photographié” : retour sur la photo qui a figé la nuit des attentats du 13 Novembre 2015

Le 13 novembre 2015, à 21h36, François Hollande est informé des premières attaques terroristes alors qu’il assiste au match France–Allemagne, au Stade de France. À quelques mètres de lui, la photographe officielle de l’Élysée déclenche une image devenue symbole. Dix ans plus tard, Marie Etchegoyen et l’ancien président reviennent sur ce moment figé dans l’Histoire.

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Vendredi 13 novembre, 21h36. Dans le poste de sécurité attenant aux tribunes du Stade de France, François Hollande, alors président de la République, tient un téléphone à l’oreille. À côté de lui, une horloge numérique affiche l’heure. Derrière la vitre, on devine le terrain, les supporters venus acclamer la France face à l’Allemagne. Rien, à première vue, ne laisse deviner la tragédie en cours, sauf peut-être les deux détonations qui ont retenti quelques minutes plus tôt, signes de l’assaut des kamikazes à l’extérieur du stade.

Suite au premier attentat à Saint-Denis, François Hollande est en réunion au PC sécurité du Stade de France.

© Archives nationales, archives du service photographique de la présidence de la République, cliché Marie Etchegoyen. Cote 09918_20180419 – Reportage n°152689

La photographie est prise par Marie Etchegoyen, photographe officielle de l’Élysée. Depuis avril 2015, elle suit le président dans ses déplacements et ses rencontres. Ce soir-là, elle s’attend à une soirée sans tension. “C’était un déplacement plutôt sympathique, dit-elle. On était là pour un match, dans une ambiance légère.” Puis les explosions déchirent la clameur.

Sur le moment, j’ai pensé à un gros pétard. Je savais qu’il s’était passé quelque chose, mais je ne connaissais pas l’ampleur.

Marie Etchegoyen

Photographe officielle de l’Élysée en 2015

Elle s’éloigne, cadre large : le président, le téléphone, l’horloge. “Je voulais simplement montrer où il était, ce qu’il faisait. L’importance de la photo, je l’ai comprise plus tard.”

Marie Etchegoyen, photographe à l’Elysée de 2015 à 2016

© France Télévisions

À cet instant, François Hollande apprend qu’un attentat a eu lieu aux abords du Stade de France, et que d’autres attaques sont signalées à Paris. Il comprend “qu’il y a une opération de beaucoup plus grande envergure”. “Celui qui est au téléphone avec moi, c’est Manuel Valls. Nous comprenons, lui et moi, que nous sommes devant une action terroriste de très grande importance, avec des conséquences extrêmement graves pour notre pays”, explique-t-il, dix ans après.

François Hollande, Président de la République

© France Télévisions

Ce cliché devient alors le symbole du moment où la France bascule. Le visage du Président, saisi en pleine sidération, marque l’entrée dans la nuit du 13 Novembre.

Quelques secondes après la photo, François Hollande quitte le poste de sécurité pour rejoindre le cortège présidentiel. Il est encore trop tôt pour mesurer ce qui se joue. Les informations sont fragmentées.

Nous ne savons pas combien de terroristes sont autour du stade, ou peut-être dans le stade.
Heureusement, il n’en sera rien.

François Hollande

Président de la République de 2012 à 2017

À 21h16, un premier kamikaze se fait exploser près de la porte D du Stade de France. À 21h20, un second, à la porte H. Un troisième, un peu plus tard. Les spectateurs entendent les détonations, mais le match continue. François Hollande prend alors la décision de ne pas évacuer immédiatement les tribunes, pour éviter la panique.

Pendant ce temps, à Paris, une série d’attaques coordonnées s’abat sur les terrasses du 10ᵉ et du 11ᵉ arrondissement : le Carillon, le Petit Cambodge, la Bonne Bière, la Casa Nostra, la Belle Équipe. Entre 21h25 et 21h41, des dizaines de morts, des blessés par centaines. Puis, trois hommes armés pénètrent dans la salle du Bataclan, où se déroule le concert des Eagles of Death Metal. Ils tirent sur la foule et prennent des otages. À 0h18, les forces d’élite mettent fin à la prise d’otages. 130 personnes ont été tuées, plus de 400 blessées.

À 23h53, François Hollande s’adresse aux Français depuis l’Élysée. Il parle d’un “acte de guerre”, décrète l’état d’urgence et annonce la fermeture des frontières. Mais à ce moment-là, la nuit n’est pas terminée. “Lorsque cette première photo est prise, nous ne sommes qu’au début de la tragédie, raconte François Hollande. Nous n’avons pas encore les bilans effrayants que nous allons avoir tout au long de la nuit, après le carnage sur les terrasses et ensuite au Bataclan.”

Dix ans plus tard, Marie Etchegoyen se souvient de ce moment suspendu. “J’ai eu de la chance d’avoir été épargnée. Je n’étais pas devant les chaînes info, je n’ai pas eu ce flux d’images”.

Sur le moment, je n’ai pas compris que je prenais une photo historique.

Marie Etchegoyen

Photographe officielle de l’Élysée en 2015

Elle suivra ensuite le président dans la nuit : au ministère de l’Intérieur, puis à l’Élysée pour un Conseil des ministres d’urgence, avant le Bataclan au petit matin. Mais la photo, elle, ne lui appartient plus. “Elle est aux Archives nationales”, dit-elle simplement.

Je ne peux pas aller au Stade de France sans repenser à cette nuit-là.

François Hollande

Président de la République de 2012 à 2017

François Hollande, lui, n’a jamais oublié cette nuit. “Chaque fois que je passe devant les lieux des terrasses ou le Bataclan, j’ai la même émotion.” Il évoque aussi cette impression de bascule : “Nous étions passés d’une ambiance amicale, la quiétude d’un match, à un état de sidération totale.”

Sans le savoir, Marie Etchegoyen a photographié un moment de basculement dans l’Histoire de la France.

© France Télévisions

L’ancien Président de la République parle de leçons à tirer et de mémoire collective. “Il est très important que le peuple français puisse se remémorer ces drames, et que la jeunesse sache ce qui s’est passé, dit-il.
Nous allons connaître d’autres épreuves. Ce qui fait notre force, c’est la capacité qu’a la nation française de se retrouver unie et d’avoir des réponses appropriées, dans un cadre démocratique.”

La photo, elle, immortalise le moment. Elle a été publiée des centaines de fois, souvent sans légende, mais elle reste un symbole : celui d’un pays frappé, qui doit réagir sans trembler. “J’avais 34 ans, l’âge des victimes. C’était monstrueux, confie Marie Etchegoyen. “’J’ai compris plus tard, quand j’ai vu les blessés, ce que j’avais photographié sans le savoir.”

Dix ans plus tard, la photo garde la même force. Celle d’un instant figé, à 21h36, où la France, sans encore le savoir, entrait dans une autre époque.

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